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Boucles d'Or et Contes Défaits
Forum initial:
http://fantasmagorie.forumactif.org/
Il était une fois...
Pseudo - TED
Avatar Joanna de Sharandula (le perso est masculin)
Comment as-tu connu le forum ? Par le bouche à oreille
Suggestion, réclamation, un petit mot ? Pas pour le moment
Personnage de conte Boucles d’Or
Nationalité / Origine Scandinavie
Profession Troubadour conteur. Plutôt conteur en Scandinavie, plutôt musicien chanteur dans les autres pays. Les langues étrangères sont de petits marcassins difficiles à dompter.
Groupe Autres
Pouvoir « Empathie » sous condition que la personne n’ait pas de sentiments négatifs envers Boucles d’Or. Il copie les émotions et les sentiments de la personne afin de remplir le vide créé par une vieille sorcière pour le punir de son égocentrisme passé.
- Boucles d’Or a l’âge où les visages tendres sont ceux des hommes et des femmes. Il erre entre enfance et maturité. De loin, les gens le confondent parfois avec une adolescente.
- Il possède Ukko, un petit ‘nyckelharpa’. Chimère incongrue entre la harpe et le violon, le nyckelharpa se joue avec un archet.
Des souvenirs gris, des regrets de plomb, alourdissent son visage. Les longs voyages et la vie de spectacle le fatiguent. Boucles d’Or sourit rarement.
Egocentrique, impulsif, il a encore l’âme des enfants. Même contraint par le voyage, il refuse la sagesse.
Indiscret et courageux – ou inconscient ? – comme tous les indiscrets. Son visage doux cache un museau de fouine.
Le vide d’émotions le fait souffrir. Qui pourrait supporter de longues heures d’errance en poupée de chair insensible ? Pourtant cet état de non-émoi le plonge dans une transe instinctive. Un instinct sans raison et sans but, sans conscience et sans entendement. Un retour à l’animalité première, mue par les seuls sens, à la poursuite des émotions des autres. C’est une drogue étrange, qui fait souffrir et qui donne une raison de vivre tout à la fois.
Il y avait un paysage de tentes, de laines, de peaux, de cris, d’entassements, de chèvres, de terres cuites, de métaux lourds. L’heure s’avançait sur le marché d’Aydin. Le soleil finissant déroulait sa lumière rouge sur les choses et les gens. Dans la foule, la silhouette de Boucles d’Or ressemblait à celle de tous les adolescents, quelle que soit leur origine. Il fallait se baisser légèrement, chercher le visage sous le manteau de laine, pour voir la peau pâle, la bouche cerise, les yeux bleus, les cheveux d’or en accroche cœur sur les tempes.
Boucles d’Or ne souriait pas. Boucles d’Or ne souriait jamais beaucoup. Il avait une boule dans le ventre. Une sphère creuse, froide de métal et d’alliage sans nom qui lui aspirait la joie et l’insouciance. Il tenait sa main droite posée sur son ventre. Sa peau y était lisse, chaude.
Mais dans un monde de charmes et d’extraordinaire, comment pouvait-on se fier à ce que disaient les sens ?
La magie de la vieille sorcière faisait toujours son office. Ses viscères s’étaient vidées des émotions et laissaient Boucles d’Or vide comme une poupée abandonnée. Ses pieds, sanglés dans des lanières de cuir, crissaient dans la poussière et la chaleur stagnante. Les jambes peinaient à suivre sa volonté évaporée au fil de la perte de ses sentiments.
Pourtant c’était furieux. C’était un besoin irascible, un instinct fou qui le tenait debout. Le vide en lui remuait par à-coups violents. La soif des émotions cognait contre ses muscles intérieurs. Il inspira l’air gorgé des épices du marché. Les vapeurs recrachées par les fumeurs de narguilés. L’air déjà respiré, c’était une partie d’eux. Boucles d’or respirait les autres. Il en avait envie, des autres. Il en avait besoin. La soif des émotions était un opium qui poussait son âme à la quête. Une espèce de raison irrationnelle qui n’avait pas besoin de longs discours pour vouloir vivre.
Deux enfants passèrent près de lui. Une fillette et un garçonnet. Ils riaient. Ils sentaient la terre et la paille. Les bêtes et la sueur. Boucles d’Or ne réagit pas tout de suite. Il les suivit, de loin. Il les suivit sans faire de bruit ni même d’ombre. Dans le grand marché saturé de chocs et de vacarme, personne ne le remarquait. C’était mieux ainsi. L’empire Ottoman se méfiait trop de la magie chérie au Grand Nord pour y faire des éclats.
Ils arrivèrent près d’un puits. A cette heure du jour, la placette était vide. Un grand cèdre déployait ses branches au-dessus des enfants. Leurs peaux étaient sales. Etaient-ils pauvres ? Leurs sourires étaient larges. Ils étaient heureux. Leurs rires cristal éclataient en bulles de bonheur sur les pierres du vieux puits. Boucles d’Or sortit Ukko de son sac. Il s’assit sur le puits et se mit à jouer. D’abord des notes graves et fragiles. Les enfants ne les remarquèrent pas tout de suite. Ensuite des notes moyennes, en mi majeur, loin des tonalités orientales. Les enfants cessèrent leurs jeux. La petite fille s’approcha de Boucles d’Or, ses yeux noirs pleins de curiosité. La jeunesse est avide de nouveautés, de jouets et de plaisirs. Quand elle vit que l’adolescent continuait à jouer, elle s’approcha de lui, posa ses mains sur les pierres. Elle lui sourit.
Dans la sphère froide qui encombrait les viscères de Boucles d’Or, une étincelle naquit au centre. Elle rebondissait sur les parois froides du ventre au fur et à mesure que la petite fille s’approchait de Boucles d’Or. C'était une chaleur minuscule, un grain de joie. Boucles d'Or sourit aussi.
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Rapide portrait
Personnage de conte Boucles d’Or
Nationalité / Origine Scandinavie
Profession Troubadour conteur. Plutôt conteur en Scandinavie, plutôt musicien chanteur dans les autres pays. Les langues étrangères sont de petits marcassins difficiles à dompter.
Groupe Autres
Pouvoir « Empathie » sous condition que la personne n’ait pas de sentiments négatifs envers Boucles d’Or. Il copie les émotions et les sentiments de la personne afin de remplir le vide créé par une vieille sorcière pour le punir de son égocentrisme passé.
Particularités
- Boucles d’Or a l’âge où les visages tendres sont ceux des hommes et des femmes. Il erre entre enfance et maturité. De loin, les gens le confondent parfois avec une adolescente.
- Il possède Ukko, un petit ‘nyckelharpa’. Chimère incongrue entre la harpe et le violon, le nyckelharpa se joue avec un archet.
Caractère
Des souvenirs gris, des regrets de plomb, alourdissent son visage. Les longs voyages et la vie de spectacle le fatiguent. Boucles d’Or sourit rarement.
Egocentrique, impulsif, il a encore l’âme des enfants. Même contraint par le voyage, il refuse la sagesse.
Indiscret et courageux – ou inconscient ? – comme tous les indiscrets. Son visage doux cache un museau de fouine.
Le vide d’émotions le fait souffrir. Qui pourrait supporter de longues heures d’errance en poupée de chair insensible ? Pourtant cet état de non-émoi le plonge dans une transe instinctive. Un instinct sans raison et sans but, sans conscience et sans entendement. Un retour à l’animalité première, mue par les seuls sens, à la poursuite des émotions des autres. C’est une drogue étrange, qui fait souffrir et qui donne une raison de vivre tout à la fois.
Passage sur la piste
Il y avait un paysage de tentes, de laines, de peaux, de cris, d’entassements, de chèvres, de terres cuites, de métaux lourds. L’heure s’avançait sur le marché d’Aydin. Le soleil finissant déroulait sa lumière rouge sur les choses et les gens. Dans la foule, la silhouette de Boucles d’Or ressemblait à celle de tous les adolescents, quelle que soit leur origine. Il fallait se baisser légèrement, chercher le visage sous le manteau de laine, pour voir la peau pâle, la bouche cerise, les yeux bleus, les cheveux d’or en accroche cœur sur les tempes.
Boucles d’Or ne souriait pas. Boucles d’Or ne souriait jamais beaucoup. Il avait une boule dans le ventre. Une sphère creuse, froide de métal et d’alliage sans nom qui lui aspirait la joie et l’insouciance. Il tenait sa main droite posée sur son ventre. Sa peau y était lisse, chaude.
Mais dans un monde de charmes et d’extraordinaire, comment pouvait-on se fier à ce que disaient les sens ?
La magie de la vieille sorcière faisait toujours son office. Ses viscères s’étaient vidées des émotions et laissaient Boucles d’Or vide comme une poupée abandonnée. Ses pieds, sanglés dans des lanières de cuir, crissaient dans la poussière et la chaleur stagnante. Les jambes peinaient à suivre sa volonté évaporée au fil de la perte de ses sentiments.
Pourtant c’était furieux. C’était un besoin irascible, un instinct fou qui le tenait debout. Le vide en lui remuait par à-coups violents. La soif des émotions cognait contre ses muscles intérieurs. Il inspira l’air gorgé des épices du marché. Les vapeurs recrachées par les fumeurs de narguilés. L’air déjà respiré, c’était une partie d’eux. Boucles d’or respirait les autres. Il en avait envie, des autres. Il en avait besoin. La soif des émotions était un opium qui poussait son âme à la quête. Une espèce de raison irrationnelle qui n’avait pas besoin de longs discours pour vouloir vivre.
Deux enfants passèrent près de lui. Une fillette et un garçonnet. Ils riaient. Ils sentaient la terre et la paille. Les bêtes et la sueur. Boucles d’Or ne réagit pas tout de suite. Il les suivit, de loin. Il les suivit sans faire de bruit ni même d’ombre. Dans le grand marché saturé de chocs et de vacarme, personne ne le remarquait. C’était mieux ainsi. L’empire Ottoman se méfiait trop de la magie chérie au Grand Nord pour y faire des éclats.
Ils arrivèrent près d’un puits. A cette heure du jour, la placette était vide. Un grand cèdre déployait ses branches au-dessus des enfants. Leurs peaux étaient sales. Etaient-ils pauvres ? Leurs sourires étaient larges. Ils étaient heureux. Leurs rires cristal éclataient en bulles de bonheur sur les pierres du vieux puits. Boucles d’Or sortit Ukko de son sac. Il s’assit sur le puits et se mit à jouer. D’abord des notes graves et fragiles. Les enfants ne les remarquèrent pas tout de suite. Ensuite des notes moyennes, en mi majeur, loin des tonalités orientales. Les enfants cessèrent leurs jeux. La petite fille s’approcha de Boucles d’Or, ses yeux noirs pleins de curiosité. La jeunesse est avide de nouveautés, de jouets et de plaisirs. Quand elle vit que l’adolescent continuait à jouer, elle s’approcha de lui, posa ses mains sur les pierres. Elle lui sourit.
Dans la sphère froide qui encombrait les viscères de Boucles d’Or, une étincelle naquit au centre. Elle rebondissait sur les parois froides du ventre au fur et à mesure que la petite fille s’approchait de Boucles d’Or. C'était une chaleur minuscule, un grain de joie. Boucles d'Or sourit aussi.
(c) fiche crée par rits-u sur epicode
Dernière édition par Sax Sparkling le Jeu 11 Aoû - 15:43, édité 1 fois
Re: Boucles d'Or et Contes Défaits
Le bisou volé du bison volant
Boucles d'Or
La houle est mauvaise. Un mouvement à rendre malade le plus expérimenté des matelots… Et à faire craquer les cales les plus épaisses.
Un choc.
Ou une mauvaise manœuvre.
Ou un choc dû à une mauvaise manœuvre. Qui sait.
Qui sait si l’homme à la barre est sobre.
Et le capitaine ? Il avait le regard bien torve… Oh, lui aussi, doit aimer la bouteille.
Le bateau tangue. Le plancher s’oblique. Les pieds glissent. Et les mains malhabiles… La poudre vole, s’envole, virevolte, au-dessus de la tête de Boucles d’Or.
Une poudre rose pailletée d’étoiles. C’était le cadeau d’un vieux magicien du Moyen-Orient qui avait aimé ses chansons. Le cadeau semble empoisonné. Trop de brillance, cela n’augure jamais rien de bon.
Avait-il bien préparé la poudre à rapetisser ? Boucles d’Or l’espère.
Mais… Il est trop tard. Trop tard pour la question. Pour la précaution. Pour la fuite. Trop tard pour échapper à la poudre rose qui ne ressemble pas aux autres poudres à rapetisser. La poudre se dépose en nuage enveloppant sur l’adolescent.
La cabine se floute. La cabine se tord. Boucles d’Or cille. Se frotte les yeux. La poudre s’est déposée sur le rebord de ses paupières. Ses muqueuses irritées… Il éternue. La poudre vole de plus belle autour de lui. Il ouvre grand les yeux.
Près de lui, le pied de table ressemble à un tronc d’arbre géant. Là-bas, son sac de voyage ressemble à une montagne verte.
C’est que, conteur ou charretier, quand la colère monte, il faut bien l’exprimer.
Cette poudre… Sûrement frelatée… Magie de bas étage ! Magie d’esprit malveillant !
La magie ne joue que de vilains tours. Comment at-il pu accepter un cadeau magique ? Il serre les poings, grince des dents. Il parait qu’il suffit de dépoudrer les choses pour qu’elles reprennent leur taille normale. Mais si… ?
Qui gueule de la sorte ? Pas un noble, en tout cas. Il n’y a que l’équipage et des pauvres pour prendre encore le bateau.
Qui peut bien s’affoler de la sorte ? Des pas lourds, pressés, masculins, résonnent derrière la porte entrouverte. Des hommes qui courent vers le pont.
Boucles d’Or s’ébroue. Secoue la tête. Frotte ses vêtements. Vide ses chaussures de restes possibles de poudre rose.
Inutile. La pièce lui parait toujours aussi grande. La pièce lui est toujours aussi grande. Et lui… Quelle taille peut-il bien faire ? Une pomme. La taille d’une belle pomme. Même belle, une pomme reste quand même de la taille d’une pomme… Funéraille…
De quoi parlent-ils, ces drôles de gens ?
Boucles d’Or se faufile dans l’ouverture de la porte. Se plaque contre le mur. Tout cet empressement… Il pourrait bien se faire écraser.
Alors il attend que tout le monde soit passé. Cela fait du monde, évidemment. Cela fait des pieds. Dieu que les pieds peuvent être sales !
Enfin.
Plus de pieds.
Boucles se précipite. Où est le pont ?
Des pieds, de nouveau. Des pieds sales. Des pieds qui sentent mauvais. Des pieds excités. Des pieds qui bougent dans tous les sens. Les gens semblent regarder vers le haut, au large.
Mais de quoi parlent-ils, ces barbares ? Impossible de voir…
Boucles d’Or repère des pieds plus petits que les autres – avec un peu de chance, celui-là, s’il lui marche dessus, ne l’écrasera pas autant – et saute sur les petits pieds. Comme ça, comme un chat. Hop ! Sur les chaussures. Hop ! Sur le pantalon !
Et il monte, il grimpe, il escalade le pantalon, la ceinture, la chemise. Ouh, un bras. Il a failli tomber. Oh, une épaule. Il s’assied.
Demande Boucles d’Or sans ambages au propriétaire des petits pieds.
Il lève les yeux.
Au loin, un troupeau de bisons volants arrive sur eux.
Sur la droite… Ce bruit… ?
Un bison volant est tombé sur le bateau. Empêtré qu’il est dans le bois fracassé, la pauvre bête saigne à n’en plus finir.
Boucles d'Or
La houle est mauvaise. Un mouvement à rendre malade le plus expérimenté des matelots… Et à faire craquer les cales les plus épaisses.
Un choc.
Ou une mauvaise manœuvre.
Ou un choc dû à une mauvaise manœuvre. Qui sait.
Qui sait si l’homme à la barre est sobre.
Et le capitaine ? Il avait le regard bien torve… Oh, lui aussi, doit aimer la bouteille.
Le bateau tangue. Le plancher s’oblique. Les pieds glissent. Et les mains malhabiles… La poudre vole, s’envole, virevolte, au-dessus de la tête de Boucles d’Or.
Une poudre rose pailletée d’étoiles. C’était le cadeau d’un vieux magicien du Moyen-Orient qui avait aimé ses chansons. Le cadeau semble empoisonné. Trop de brillance, cela n’augure jamais rien de bon.
Avait-il bien préparé la poudre à rapetisser ? Boucles d’Or l’espère.
Mais… Il est trop tard. Trop tard pour la question. Pour la précaution. Pour la fuite. Trop tard pour échapper à la poudre rose qui ne ressemble pas aux autres poudres à rapetisser. La poudre se dépose en nuage enveloppant sur l’adolescent.
La cabine se floute. La cabine se tord. Boucles d’Or cille. Se frotte les yeux. La poudre s’est déposée sur le rebord de ses paupières. Ses muqueuses irritées… Il éternue. La poudre vole de plus belle autour de lui. Il ouvre grand les yeux.
Merde.
Près de lui, le pied de table ressemble à un tronc d’arbre géant. Là-bas, son sac de voyage ressemble à une montagne verte.
Et merde.
C’est que, conteur ou charretier, quand la colère monte, il faut bien l’exprimer.
Saleté de ***
Cette poudre… Sûrement frelatée… Magie de bas étage ! Magie d’esprit malveillant !
La magie ne joue que de vilains tours. Comment at-il pu accepter un cadeau magique ? Il serre les poings, grince des dents. Il parait qu’il suffit de dépoudrer les choses pour qu’elles reprennent leur taille normale. Mais si… ?
Alerte ! Alerte !
Qui gueule de la sorte ? Pas un noble, en tout cas. Il n’y a que l’équipage et des pauvres pour prendre encore le bateau.
Qui peut bien s’affoler de la sorte ? Des pas lourds, pressés, masculins, résonnent derrière la porte entrouverte. Des hommes qui courent vers le pont.
Boucles d’Or s’ébroue. Secoue la tête. Frotte ses vêtements. Vide ses chaussures de restes possibles de poudre rose.
MER-DEUH !
Inutile. La pièce lui parait toujours aussi grande. La pièce lui est toujours aussi grande. Et lui… Quelle taille peut-il bien faire ? Une pomme. La taille d’une belle pomme. Même belle, une pomme reste quand même de la taille d’une pomme… Funéraille…
Dépêchez-vous, la bête est folle !
Hein ?
Hein ?
De quoi parlent-ils, ces drôles de gens ?
Boucles d’Or se faufile dans l’ouverture de la porte. Se plaque contre le mur. Tout cet empressement… Il pourrait bien se faire écraser.
Alors il attend que tout le monde soit passé. Cela fait du monde, évidemment. Cela fait des pieds. Dieu que les pieds peuvent être sales !
Enfin.
Plus de pieds.
Boucles se précipite. Où est le pont ?
***
Des pieds, de nouveau. Des pieds sales. Des pieds qui sentent mauvais. Des pieds excités. Des pieds qui bougent dans tous les sens. Les gens semblent regarder vers le haut, au large.
Voilà le troupeau !
Ces bestiaux sont devenus dingues ?!
Abattez-les ! Abattez-les !
Non attendez ils veulent juste récupérer l’autre !
Ces bestiaux sont devenus dingues ?!
Abattez-les ! Abattez-les !
Non attendez ils veulent juste récupérer l’autre !
Mais de quoi parlent-ils, ces barbares ? Impossible de voir…
Boucles d’Or repère des pieds plus petits que les autres – avec un peu de chance, celui-là, s’il lui marche dessus, ne l’écrasera pas autant – et saute sur les petits pieds. Comme ça, comme un chat. Hop ! Sur les chaussures. Hop ! Sur le pantalon !
Et il monte, il grimpe, il escalade le pantalon, la ceinture, la chemise. Ouh, un bras. Il a failli tomber. Oh, une épaule. Il s’assied.
Hey toi, tu sais ce qui se passe ?
Demande Boucles d’Or sans ambages au propriétaire des petits pieds.
Il lève les yeux.
Aie… Mais pourquoi… ?
Au loin, un troupeau de bisons volants arrive sur eux.
CRAC ! CRAAAAAC !
Sur la droite… Ce bruit… ?
Un bison volant est tombé sur le bateau. Empêtré qu’il est dans le bois fracassé, la pauvre bête saigne à n’en plus finir.
Dernière édition par Sax Sparkling le Jeu 11 Aoû - 15:28, édité 1 fois
Re: Boucles d'Or et Contes Défaits
Le bisou volé du bison volant
Peppino
http://fantasmagorie.forumactif.org/u545
La voix sortie de nulle part saisit le garçon déjà peu rassuré par les évènements. Voila que maintenant qu’il entendait des voix ? Serait-ce Dieu qui venait tester sa foi reniée ? Mais pourquoi demanderait-il ce qu’il se passait alors ? Il voyait tout de là-haut. Une place de choix pour un être divin qui se détournait de ses adorateurs. Pourquoi venait-il maintenant ? Et ces questions étranges…
Ces pensées dénuées de sens virevoltaient dans son esprit inquiet – pour ne pas dire paniqué – et d’un mouvement de la main, il se toucha l’épaule. Il y sentait une pression étrange, comme une présence alors par simple réflexe, il touchait. Sauf qu’il ne s’attendait pas à ce que son épaule ne parle et encore moins à ce qu’un bout se… décroche ?
Blêmissant, le pantin porta le morceau détaché devant ses yeux et la surprise – ainsi que le soulagement – s’en suit.
Un petit être se tenait dans sa main. Un petit être similaire à un humain. Un petit être si petit mais si vivant. Un petit être définitivement magique pour être si petit ! Peppino savait ce que c’était. Oh que oui il savait. Et il en frétillait de joie.
« Une fée ! »
Qui aurait cru qu’il trouverait son bonheur, son salvateur posé sur son épaule au milieu de l’océan ? Pas lui en tout cas et un sourire radieux s’étira sur son visage alors qu’un nouvel impact secouait le navire. Instinctivement, il protégea la fée – ou le fée dans ce cas – dans ses mains pour qu’il ne tombe pas au sol. Il ne manquerait plus que son sauveur ne se fasse écraser…
Peppino se remit à piétiner de joie une fois que le navire se stabilisa à nouveau et s’éloigna un peu de la créature blessée qui gesticulait et se saignait à la tâche.
« Tu es une fée n’est-ce pas ?! Tu pourras m’aider alors ! »
Son regard quitta ensuite le petit être pour regarder autour de lui. Encore fallait-il qu’il s’en sorte pour redevenir humain…
« Est-ce que tu pourrais pas aider ce pauvre bison avant ? Il saigne beaucoup et il va mourir à ce rythme… Et ses amis seront pas contents s’il meurt. J’ai pas envie de mourir moi. »
Ses yeux étaient rivés sur sa fée et brillaient d’une lueur d’espoir presque enfantine. Il croyait en cet humain miniature pour le sauver. Les sauver.
Peppino
http://fantasmagorie.forumactif.org/u545
La voix sortie de nulle part saisit le garçon déjà peu rassuré par les évènements. Voila que maintenant qu’il entendait des voix ? Serait-ce Dieu qui venait tester sa foi reniée ? Mais pourquoi demanderait-il ce qu’il se passait alors ? Il voyait tout de là-haut. Une place de choix pour un être divin qui se détournait de ses adorateurs. Pourquoi venait-il maintenant ? Et ces questions étranges…
Ces pensées dénuées de sens virevoltaient dans son esprit inquiet – pour ne pas dire paniqué – et d’un mouvement de la main, il se toucha l’épaule. Il y sentait une pression étrange, comme une présence alors par simple réflexe, il touchait. Sauf qu’il ne s’attendait pas à ce que son épaule ne parle et encore moins à ce qu’un bout se… décroche ?
Blêmissant, le pantin porta le morceau détaché devant ses yeux et la surprise – ainsi que le soulagement – s’en suit.
Un petit être se tenait dans sa main. Un petit être similaire à un humain. Un petit être si petit mais si vivant. Un petit être définitivement magique pour être si petit ! Peppino savait ce que c’était. Oh que oui il savait. Et il en frétillait de joie.
« Une fée ! »
Qui aurait cru qu’il trouverait son bonheur, son salvateur posé sur son épaule au milieu de l’océan ? Pas lui en tout cas et un sourire radieux s’étira sur son visage alors qu’un nouvel impact secouait le navire. Instinctivement, il protégea la fée – ou le fée dans ce cas – dans ses mains pour qu’il ne tombe pas au sol. Il ne manquerait plus que son sauveur ne se fasse écraser…
Peppino se remit à piétiner de joie une fois que le navire se stabilisa à nouveau et s’éloigna un peu de la créature blessée qui gesticulait et se saignait à la tâche.
« Tu es une fée n’est-ce pas ?! Tu pourras m’aider alors ! »
Son regard quitta ensuite le petit être pour regarder autour de lui. Encore fallait-il qu’il s’en sorte pour redevenir humain…
« Est-ce que tu pourrais pas aider ce pauvre bison avant ? Il saigne beaucoup et il va mourir à ce rythme… Et ses amis seront pas contents s’il meurt. J’ai pas envie de mourir moi. »
Ses yeux étaient rivés sur sa fée et brillaient d’une lueur d’espoir presque enfantine. Il croyait en cet humain miniature pour le sauver. Les sauver.
Dernière édition par Sax Sparkling le Jeu 11 Aoû - 15:45, édité 1 fois
Re: Boucles d'Or et Contes Défaits
De glace et de vide
Boucles d'Or
ll y a quatre ans. Ouest de la Russie.
C’était un grand loup gris, qu’on appelait jadis Cendres. De ses années humaines, Cendres ne gardait que quelques souvenirs épars. Des odeurs floues, des sons familiers. Des envies, parfois, de parler avec les hommes.
Cette nuit de blizzard, il la passait à la recherche d’animaux faibles, de quelque carcasse à ronger. La neige précipitait la mort des êtres et facilitait la chasse.
Dans la forêt, contre un vieux sapin tombé, il ne trouva qu’un garçon inanimé.
Il était blond, tiède, sentait les biscuits et le café. Cendres se rappela d’années lointaines passées en famille. Il s’allongea près du garçon pour le protéger de la neige et le réchauffer.
Les flocons tombaient, drus et réguliers. Entre le sapin et le loup, le garçon reprit vie. Il ouvrit un œil, vit le pelage épais cendré, crut à une couverture. Il enfonça ses mains dans le pelage, sentit la chaleur, puis le souffle régulier. Il ouvrit les yeux tout à fait, se redressa.
Devant lui, il y avait ces babines noires, ces crocs aiguisés, ces grands yeux ambre d’un loup qui le regardait.
Le loup s’assit à quelques mètres. Il se demandait ce que le garçon allait faire. Le garçon n’hésita guère.
Il fuit.
Boucles d’Or courait dans la forêt. Le petit conteur connaissait trop bien les histoires de loups affamés et d’enfants dévorés. Il avait peur. Il avait les lèvres muettes de peur et le ventre tordu d’affolement. C’était une peur irrationnelle, un sentiment illégitime face à un loup qui l’avait sauvé. Au fond de lui, Boucles d’Or savait qu’il n’avait rien à craindre des babines noires et des crocs aiguisés. Il savait… Il continuait à courir. La peur ne demande pas de raison pour aveugler.
Peu à peu, son esprit se détacha de son ventre. Il se vit avoir peur. Il observait son corps et comprit que la peur mangeait ses émotions. Bientôt, il ne pourrait plus rien ressentir. Bientôt, la peur aurait tout mangé en lui. La peur était le vrai loup.
Il s’arrêta. Il haletait. Contre un arbre, il s’adossa pour tenter d’arrêter sa peur. Son cœur battait la chamade. Son ventre lui faisait mal. La peur était bien difficile à semer…
Il décida de marcher. La marche, peut-être, calmerait-elle ses esprits. Et surtout, il avait besoin d’humains. D’émotions à déchiffrer et de sentiments à boire. Après quelques minutes de marche, entre les gros flocons de neige, il entraperçut une haute silhouette noire. Une forme humaine.
Boucles d’Or courut vers l’homme. Dans la nuit, l’homme paraissait bien sombre. Mais n’était-ce pas normal, dans une nuit si tempétueuse ?
Il s’approcha. Quelque chose n’allait pas dans cette silhouette-là. Il ralentit. Il hésita.
Mais il était seul dans le blizzard. Il était seul avec son corps presque vide.
Il continua à marcher vers l’homme.
L’homme portait un long manteau noir et ses mains n’étaient que lames.
La peur, ce fauve affamé que Boucles d’Or pensait avoir semé, bondit sur lui. La peur enfonça ses griffes dans ses ventricules. Ses yeux s’ouvrirent jusqu’à avoir mal aux paupières. Du sang glacé coula dans ses veines et ses artères. La froidure envahit son ventre.
Il hurla.
Ses jambes le lâchèrent, il tomba assis dans la neige.
Le sort de la vieille sorcière finit son ouvrage. Les derniers lambeaux d’émotions furent mangés par la peur. La peur disparut. Les autres émois avec elle.
A présent, Boucles d’Or ressentait plus fort le froid autour de lui. La réalité était revenue contre sa peau. Il ressentait la neige d’une façon furieuse et soudaine, aussi furieuse et soudaine qu’avait été la perte de ses émotions.
Devant lui, la forme humaine ne bougeait pas beaucoup. On aurait dit une ombre chinoise placide, comme le loup gris qu’il avait fui sans se poser de question. C’était un moment de suspension, d’attente curieuse et tendue, fouettée par les rafales de neige. Boucles d’Or n’arrivait pas à distinguer le visage de cette chose aux mains de lames. Il était trop près pour fuir, trop loin pour voir le visage.
A défaut de fuite, il ne pouvait que tenter l’aide. Il n’espérait pas, en réalité, l’espoir est trop émotif. Il avait juste ce besoin, de devoir vivre et de devoir choisir.
Il se releva.
Il montra les mains de lame, d’un index plutôt sûr de lui.
Il joignit les mains. Sortir un index l’avait déjà trop refroidi.
Boucles d'Or
ll y a quatre ans. Ouest de la Russie.
C’était un grand loup gris, qu’on appelait jadis Cendres. De ses années humaines, Cendres ne gardait que quelques souvenirs épars. Des odeurs floues, des sons familiers. Des envies, parfois, de parler avec les hommes.
Cette nuit de blizzard, il la passait à la recherche d’animaux faibles, de quelque carcasse à ronger. La neige précipitait la mort des êtres et facilitait la chasse.
Dans la forêt, contre un vieux sapin tombé, il ne trouva qu’un garçon inanimé.
Il était blond, tiède, sentait les biscuits et le café. Cendres se rappela d’années lointaines passées en famille. Il s’allongea près du garçon pour le protéger de la neige et le réchauffer.
Les flocons tombaient, drus et réguliers. Entre le sapin et le loup, le garçon reprit vie. Il ouvrit un œil, vit le pelage épais cendré, crut à une couverture. Il enfonça ses mains dans le pelage, sentit la chaleur, puis le souffle régulier. Il ouvrit les yeux tout à fait, se redressa.
Devant lui, il y avait ces babines noires, ces crocs aiguisés, ces grands yeux ambre d’un loup qui le regardait.
Le loup s’assit à quelques mètres. Il se demandait ce que le garçon allait faire. Le garçon n’hésita guère.
Il fuit.
~~~
Boucles d’Or courait dans la forêt. Le petit conteur connaissait trop bien les histoires de loups affamés et d’enfants dévorés. Il avait peur. Il avait les lèvres muettes de peur et le ventre tordu d’affolement. C’était une peur irrationnelle, un sentiment illégitime face à un loup qui l’avait sauvé. Au fond de lui, Boucles d’Or savait qu’il n’avait rien à craindre des babines noires et des crocs aiguisés. Il savait… Il continuait à courir. La peur ne demande pas de raison pour aveugler.
Peu à peu, son esprit se détacha de son ventre. Il se vit avoir peur. Il observait son corps et comprit que la peur mangeait ses émotions. Bientôt, il ne pourrait plus rien ressentir. Bientôt, la peur aurait tout mangé en lui. La peur était le vrai loup.
Il s’arrêta. Il haletait. Contre un arbre, il s’adossa pour tenter d’arrêter sa peur. Son cœur battait la chamade. Son ventre lui faisait mal. La peur était bien difficile à semer…
Il décida de marcher. La marche, peut-être, calmerait-elle ses esprits. Et surtout, il avait besoin d’humains. D’émotions à déchiffrer et de sentiments à boire. Après quelques minutes de marche, entre les gros flocons de neige, il entraperçut une haute silhouette noire. Une forme humaine.
Boucles d’Or courut vers l’homme. Dans la nuit, l’homme paraissait bien sombre. Mais n’était-ce pas normal, dans une nuit si tempétueuse ?
Il s’approcha. Quelque chose n’allait pas dans cette silhouette-là. Il ralentit. Il hésita.
Mais il était seul dans le blizzard. Il était seul avec son corps presque vide.
Il continua à marcher vers l’homme.
L’homme portait un long manteau noir et ses mains n’étaient que lames.
La peur, ce fauve affamé que Boucles d’Or pensait avoir semé, bondit sur lui. La peur enfonça ses griffes dans ses ventricules. Ses yeux s’ouvrirent jusqu’à avoir mal aux paupières. Du sang glacé coula dans ses veines et ses artères. La froidure envahit son ventre.
Il hurla.
Ses jambes le lâchèrent, il tomba assis dans la neige.
Le sort de la vieille sorcière finit son ouvrage. Les derniers lambeaux d’émotions furent mangés par la peur. La peur disparut. Les autres émois avec elle.
A présent, Boucles d’Or ressentait plus fort le froid autour de lui. La réalité était revenue contre sa peau. Il ressentait la neige d’une façon furieuse et soudaine, aussi furieuse et soudaine qu’avait été la perte de ses émotions.
Devant lui, la forme humaine ne bougeait pas beaucoup. On aurait dit une ombre chinoise placide, comme le loup gris qu’il avait fui sans se poser de question. C’était un moment de suspension, d’attente curieuse et tendue, fouettée par les rafales de neige. Boucles d’Or n’arrivait pas à distinguer le visage de cette chose aux mains de lames. Il était trop près pour fuir, trop loin pour voir le visage.
A défaut de fuite, il ne pouvait que tenter l’aide. Il n’espérait pas, en réalité, l’espoir est trop émotif. Il avait juste ce besoin, de devoir vivre et de devoir choisir.
Il se releva.
Il montra les mains de lame, d’un index plutôt sûr de lui.
Vous chassez ?
Il joignit les mains. Sortir un index l’avait déjà trop refroidi.
Moi j’essaie.
Re: Boucles d'Or et Contes Défaits
De glace et de vide
Christopher Swanson
http://fantasmagorie.forumactif.org/u408
https://www.youtube.com/watch?v=13fSwRgj-Nw
Les amis ne durent pas. J’ai revu Joshua mais la route est restée la même. J’ai voulu me perdre au sud, me voilà de nouveau chez moi.
La neige m’attend.
M’attendait.
M’a attendu.
Je ne sais plus si c’est moi qui l’espère ou elle qui me manque.
Une tempête de givre que je traverse. Des souvenirs refont surface, encore ; comme des aiguilles pointant sous la peau, fusant de l’intérieur, encore ; un son lourd, un roulement, les flocons fouettant et acérés comme des armes de métal…
Cette tempête de neige avant Baba et Deda.
Ces rafales qui ont inscrit la neige en moi
De sorte que je ne m’en séparerais pas,
Jamais, qu’elle enfante des hivers guidant mes choix.
Et je ne fais que les suivre, ces froids
Recouvrant la terre de ce manteau blanc, las
D’être marqué de traces de pas
Que laissent les vivants ici-bas.
C’est alors que je me trouve à traîner là,
Traînant des pieds et lames de glace aux bras.
Je m’arrête à quelques pas de la petite tête blonde que voilà
Pour l’observer. Le voir basculer en arrière dans la neige.
Il parle.
Rupture.
J’ai les yeux baissés sur lui, m’approchant encore pour le détailler de plus près. Il est pâle, il est maigre ; il est petit, il est enfant. Un fantôme ? Lui aussi ?
— Froid...
Une question. A-t-il froid. Ses lèvres bleuies et le rouge à ses joues… Oui, il a sans doute froid.
Mes mains reviennent prendre la place des lames et je m’accroupis. C’est un enfant. Un être simple et pur. Seul. Étais-je comme lui lorsque l’on m’a retrouvé après cette tempête de neige ?
La neige…cette traîtresse !
Peut-être veut-elle aussi en faire un de ses fils ? Lui infliger cet enfer de suivre les hivers ?
Alors je tends la main, paume vers le ciel, et craquèle entre mes doigts un perce-neige de glace qui éclot en un frisson de flocon. La magie de la glace attire les enfants.
Je ne te veux pas de mal.
Mais toi traîtresse, laisse-moi le mener loin de ce bal
De flocons mortels. S’il prend cette fleur aux pétales
De givre, à la tige de cristal…
…Alors je l’invite à me suivre. Les mots se perdraient dans la neige aussi tenté-je de simplement lui prendre la main, ne pouvant rien pour son état sinon… Faire glisser mon manteau de mes épaules pour en couvrir les siennes.
Les flocons s’écrasent sur mon torse décharné, piqûres acerbes, mais mieux vaut moi que l’enfant.
Christopher Swanson
http://fantasmagorie.forumactif.org/u408
https://www.youtube.com/watch?v=13fSwRgj-Nw
Les amis ne durent pas. J’ai revu Joshua mais la route est restée la même. J’ai voulu me perdre au sud, me voilà de nouveau chez moi.
La neige m’attend.
M’attendait.
M’a attendu.
Je ne sais plus si c’est moi qui l’espère ou elle qui me manque.
Une tempête de givre que je traverse. Des souvenirs refont surface, encore ; comme des aiguilles pointant sous la peau, fusant de l’intérieur, encore ; un son lourd, un roulement, les flocons fouettant et acérés comme des armes de métal…
Cette tempête de neige avant Baba et Deda.
Ces rafales qui ont inscrit la neige en moi
De sorte que je ne m’en séparerais pas,
Jamais, qu’elle enfante des hivers guidant mes choix.
Et je ne fais que les suivre, ces froids
Recouvrant la terre de ce manteau blanc, las
D’être marqué de traces de pas
Que laissent les vivants ici-bas.
C’est alors que je me trouve à traîner là,
Traînant des pieds et lames de glace aux bras.
Je m’arrête à quelques pas de la petite tête blonde que voilà
Pour l’observer. Le voir basculer en arrière dans la neige.
Il parle.
Rupture.
J’ai les yeux baissés sur lui, m’approchant encore pour le détailler de plus près. Il est pâle, il est maigre ; il est petit, il est enfant. Un fantôme ? Lui aussi ?
— Froid...
Une question. A-t-il froid. Ses lèvres bleuies et le rouge à ses joues… Oui, il a sans doute froid.
Mes mains reviennent prendre la place des lames et je m’accroupis. C’est un enfant. Un être simple et pur. Seul. Étais-je comme lui lorsque l’on m’a retrouvé après cette tempête de neige ?
La neige…cette traîtresse !
Peut-être veut-elle aussi en faire un de ses fils ? Lui infliger cet enfer de suivre les hivers ?
Alors je tends la main, paume vers le ciel, et craquèle entre mes doigts un perce-neige de glace qui éclot en un frisson de flocon. La magie de la glace attire les enfants.
Je ne te veux pas de mal.
Mais toi traîtresse, laisse-moi le mener loin de ce bal
De flocons mortels. S’il prend cette fleur aux pétales
De givre, à la tige de cristal…
…Alors je l’invite à me suivre. Les mots se perdraient dans la neige aussi tenté-je de simplement lui prendre la main, ne pouvant rien pour son état sinon… Faire glisser mon manteau de mes épaules pour en couvrir les siennes.
Les flocons s’écrasent sur mon torse décharné, piqûres acerbes, mais mieux vaut moi que l’enfant.
Dernière édition par Sax Sparkling le Jeu 11 Aoû - 15:45, édité 1 fois
Re: Boucles d'Or et Contes Défaits
Sachant chasser le chat du cheshire
Boucles d'Or
Janvier '06
A pas de loups.
A pas feutrés.
Le petit homme se faufilait entre les grands hommes.
Il fallait faire attention.
Se tenir sur ses gardes.
Être vigilant.
Les grands hommes avaient des mouvements brusques. Des spasmes, aurait-on dit, d’énergie masculine à décompresser. Un bras gras qui se soulevait par-ci, un large dos qui apparaissait par-là. L’auberge de Carthage était comme toutes les auberges portuaires : pleine de vie. Pleine de brusquerie.
Et pourtant.
Boucles d’Or devait traverser la mer humaine. Trouver, au-delà des tables et des serveuses joliment décolletées, le sourire du chat.
On le lui avait dit : c’est un sourire étrange.
C’est un sourire indéfinissable.
C’est un sourire tout d’email vêtu.
Boucles d’Or ne pouvait imaginer le sourire du chat. Mais un tel sourire, assurément, il ne pouvait le manquer.
Il monta les marches de bois.
« Crac. Crac » faisaient les marches.
Il retira ses chaussures.
Les plantes de ses pieds, roses, un peu durcies par les longs voyages, touchèrent souplement le bois.
Et les marches se turent.
Il préférait passer inaperçu. Surprendre le chat. Prendre le temps de jauger ce félin bien exotique. Observer le fauve humain dans son quotidien. Et surtout… Eviter le sourire dans sa chair de garçon rose. Quelques canines bien placées devaient laisser de ces traces… !
Car qui pouvait dire si ce chat-là n’avait pas mérité le sort de la vieille sorcière ? Pouvait-il avoir commis une réelle vilénie, un acte pas si excusable que ça ?
Oh… Cette voix…
Le vieux marin qui avait renseigné Boucles d’Or sur le sourire du chat…
Le garçon se retourna, perplexe, le rouge aux joues et l’ouverture des yeux en cercles parfaits.
Le sourire du vieux marin…
Une bière à la main, une serveuse sur la jambe.
Heureux qu’il était, le gars.
Insouciant et plein de bonne volonté…
Innocent dans l’alcool, semblait-il.
Dit Boucles d’Or, las de toute cette bruyance. Qu'y pouvait-il, de toute façon ? Le vieux marin avait beuglé. On n’efface pas un beuglement. Dans une auberge, pouvait-on espérer un peu de discrétion ? Probablement pas. Il remit ses chaussures.
« Crac. Crac » firent les marches.
Le garçon haussa les épaules à lui-même.
Tant pis. Le sourire du chat vaut bien ça.
Arrivé en haut de l’escalier, il entendit des voix. Les voix étaient trop éloignées, elles ne ressemblaient qu’à des murmures… Il avança. Avança. Avança.
Les mots résonnèrent plus distinctement. Une fin de discussion. Cela se sentait au rythme dolent des répliques. Une voix au moins était féminine. Peut-être là trouverait-il le sourire du chat ?
Soudain, Boucles d’Or réalisa qu’il ne pensait qu’à son sourire… Pourtant, il devait bien y avoir tout un chat autour de ce sourire de chat. Ou plutôt, une femme-chat. C’est ce que la vieille sorcière lui avait dit : « Tu n’es pas mon premier garnement… » Avec son âcreté infatuée, elle avait énuméré tous les êtres à qui elle avait « donné la leçon ». Ah, belle leçon, en réalité. N’y prenait-elle pas plaisir, cette mégère ?
Boucles d’Or serrait des mâchoires. A chaque fois qu’il se souvenait de la vieille sorcière, son attention disparaissait quelque peu…
Il marchait vers les voix, les sourcils froncés. Il posa la main sur une porte… Qui s’ouvrit.
Il dit tout ce que les êtres disent quand ils ne savent que dire alors qu’ils doivent dire quelque chose :
Devant lui, il y avait le sourire du chat.
Un sourire étrange, comme on le lui avait dit.
Un sourire qu’il n’avait jamais vu. C’est à ça qu’il le reconnut, d’ailleurs. Cette impression de jamais-vu. Il ne pouvait dévisser son regard du sourire du chat.
Un bonsoir en interrogation, parce qu’il ne savait pas si le soir allait être si bon que ça.
Il faillit dire le chat du Cheshire mais il se retint à temps.
A l’époque, il avait oublié de demander son nom. Si elle changeait souvent de cape, cela était mal engagé.
Boucles d'Or
Janvier '06
A pas de loups.
A pas feutrés.
Le petit homme se faufilait entre les grands hommes.
Il fallait faire attention.
Se tenir sur ses gardes.
Être vigilant.
Les grands hommes avaient des mouvements brusques. Des spasmes, aurait-on dit, d’énergie masculine à décompresser. Un bras gras qui se soulevait par-ci, un large dos qui apparaissait par-là. L’auberge de Carthage était comme toutes les auberges portuaires : pleine de vie. Pleine de brusquerie.
Et pourtant.
Boucles d’Or devait traverser la mer humaine. Trouver, au-delà des tables et des serveuses joliment décolletées, le sourire du chat.
On le lui avait dit : c’est un sourire étrange.
C’est un sourire indéfinissable.
C’est un sourire tout d’email vêtu.
Boucles d’Or ne pouvait imaginer le sourire du chat. Mais un tel sourire, assurément, il ne pouvait le manquer.
Il monta les marches de bois.
« Crac. Crac » faisaient les marches.
Il retira ses chaussures.
Les plantes de ses pieds, roses, un peu durcies par les longs voyages, touchèrent souplement le bois.
Et les marches se turent.
Il préférait passer inaperçu. Surprendre le chat. Prendre le temps de jauger ce félin bien exotique. Observer le fauve humain dans son quotidien. Et surtout… Eviter le sourire dans sa chair de garçon rose. Quelques canines bien placées devaient laisser de ces traces… !
Car qui pouvait dire si ce chat-là n’avait pas mérité le sort de la vieille sorcière ? Pouvait-il avoir commis une réelle vilénie, un acte pas si excusable que ça ?
Hey gamin, pas la peine de tirer tes chaussures !!
Oh… Cette voix…
Le vieux marin qui avait renseigné Boucles d’Or sur le sourire du chat…
Le garçon se retourna, perplexe, le rouge aux joues et l’ouverture des yeux en cercles parfaits.
Le sourire du vieux marin…
Une bière à la main, une serveuse sur la jambe.
Heureux qu’il était, le gars.
Insouciant et plein de bonne volonté…
Innocent dans l’alcool, semblait-il.
Euh merci.
Dit Boucles d’Or, las de toute cette bruyance. Qu'y pouvait-il, de toute façon ? Le vieux marin avait beuglé. On n’efface pas un beuglement. Dans une auberge, pouvait-on espérer un peu de discrétion ? Probablement pas. Il remit ses chaussures.
« Crac. Crac » firent les marches.
Le garçon haussa les épaules à lui-même.
Tant pis. Le sourire du chat vaut bien ça.
Arrivé en haut de l’escalier, il entendit des voix. Les voix étaient trop éloignées, elles ne ressemblaient qu’à des murmures… Il avança. Avança. Avança.
Les mots résonnèrent plus distinctement. Une fin de discussion. Cela se sentait au rythme dolent des répliques. Une voix au moins était féminine. Peut-être là trouverait-il le sourire du chat ?
Soudain, Boucles d’Or réalisa qu’il ne pensait qu’à son sourire… Pourtant, il devait bien y avoir tout un chat autour de ce sourire de chat. Ou plutôt, une femme-chat. C’est ce que la vieille sorcière lui avait dit : « Tu n’es pas mon premier garnement… » Avec son âcreté infatuée, elle avait énuméré tous les êtres à qui elle avait « donné la leçon ». Ah, belle leçon, en réalité. N’y prenait-elle pas plaisir, cette mégère ?
Boucles d’Or serrait des mâchoires. A chaque fois qu’il se souvenait de la vieille sorcière, son attention disparaissait quelque peu…
Il marchait vers les voix, les sourcils froncés. Il posa la main sur une porte… Qui s’ouvrit.
Il dit tout ce que les êtres disent quand ils ne savent que dire alors qu’ils doivent dire quelque chose :
Euh.
Devant lui, il y avait le sourire du chat.
Un sourire étrange, comme on le lui avait dit.
Un sourire qu’il n’avait jamais vu. C’est à ça qu’il le reconnut, d’ailleurs. Cette impression de jamais-vu. Il ne pouvait dévisser son regard du sourire du chat.
Bonsoir ?
Un bonsoir en interrogation, parce qu’il ne savait pas si le soir allait être si bon que ça.
Je cherche la dame du Cheshire.
Il faillit dire le chat du Cheshire mais il se retint à temps.
C’est à cause de la sorcière à la cape mauve.
A l’époque, il avait oublié de demander son nom. Si elle changeait souvent de cape, cela était mal engagé.
Re: Boucles d'Or et Contes Défaits
Sachant chasser le chat du cheshire
Chester du Cheshire
http://fantasmagorie.forumactif.org/u231
Chester avait appris à connaître les autres membres des Renégats. Elle avait rencontré en premier Orendi au Japon. Toutes les deux avaient si bien accroché que enrôler Chester avait, du coup, été chose facile.
Chester avait d'ailleurs bien apprécié la façon dont Orendi avait repris son tic de langage. Ces deux-là allaient assurément avoir de longues séances d'amusements à de nombreuses reprises. Un peu plus tard Chester avait rencontré Louie, un homme. Chester, sur le coup, le trouvait plutôt simple. Il fallait dire que, à côté de Orendi, beaucoup pouvaient paraître « simples ». Mais Chester avait apprécié cette rencontre. Le barbu, comme elle le nommait, bien que lui aimait dire qu'il était un roi.
Chester avait donc rencontré toute cette belle troupe qui lui plaisait presque autant que ses sœurs.
Chester s’était retrouvé en Afrique seul continent où elle n'avait pas encore posé la patte. Du coup elle avait infiltré ce bâtiment avec plein de chambres, entrant dans une, en étant invisible. Elle parla toute seul en redevenant visible. Ou plutôt comme si elle se parlait à elle même. « Chester ceci. Mais Chester cela. » Elle posait les questions et répondait elle-même.
Quand, d'un seul coup, un blondinet entra, disant chercher dame Chester.
— Chester est Chester. Mais Chester n'est pas dame Chester. Est-ce que c'est Chester que tu cherches ?
Chester avait parlé avec son habituel sourire difforme, n'ayant pas mis sa capuche, laissant ainsi visible à tous ses appendices de chat.
— La sorcière à la cape mauve ? Ah oui Chester croyait que c’était une fée. Mais les sœurs de Chester lui ont appris la différence entre fée et sorcière.
Chester sauta sur le lit pour y planter ses griffes et trouer les draps et le matelas, à plusieurs reprises. Elle faisait ses griffes, tout simplement.
— Et donc toi aussi tu étais un animal qu'elle a transformé en humain ? Chester était un chat de Cheshire. Mais la sorcière a pas aimé que Chester lui parle tout le temps. Elle l'a transformé en humaine. Chester avait l'apparence d'un humaine mais elle restait un chat, tu sais.
Chester s'assit sur le lit en lambeau pour commencer à se lécher pour se laver.
— Mais Chester est devenue hybride dans la cité volante. Du coup Chester ne cherche plus la sorcière. Mais Chester peut t'aider. Chester a plein d'amis qui aident les gens maintenant.
Chester attendait de savoir ce que cette personne voulait d'elle exactement. Elle n'avait jamais revu la sorcière. Mais si elle pouvait aider quelqu'un à se venger d'elle, elle le ferait avec plaisir.
Chester du Cheshire
http://fantasmagorie.forumactif.org/u231
Chester avait appris à connaître les autres membres des Renégats. Elle avait rencontré en premier Orendi au Japon. Toutes les deux avaient si bien accroché que enrôler Chester avait, du coup, été chose facile.
Chester avait d'ailleurs bien apprécié la façon dont Orendi avait repris son tic de langage. Ces deux-là allaient assurément avoir de longues séances d'amusements à de nombreuses reprises. Un peu plus tard Chester avait rencontré Louie, un homme. Chester, sur le coup, le trouvait plutôt simple. Il fallait dire que, à côté de Orendi, beaucoup pouvaient paraître « simples ». Mais Chester avait apprécié cette rencontre. Le barbu, comme elle le nommait, bien que lui aimait dire qu'il était un roi.
Chester avait donc rencontré toute cette belle troupe qui lui plaisait presque autant que ses sœurs.
Chester s’était retrouvé en Afrique seul continent où elle n'avait pas encore posé la patte. Du coup elle avait infiltré ce bâtiment avec plein de chambres, entrant dans une, en étant invisible. Elle parla toute seul en redevenant visible. Ou plutôt comme si elle se parlait à elle même. « Chester ceci. Mais Chester cela. » Elle posait les questions et répondait elle-même.
Quand, d'un seul coup, un blondinet entra, disant chercher dame Chester.
— Chester est Chester. Mais Chester n'est pas dame Chester. Est-ce que c'est Chester que tu cherches ?
Chester avait parlé avec son habituel sourire difforme, n'ayant pas mis sa capuche, laissant ainsi visible à tous ses appendices de chat.
— La sorcière à la cape mauve ? Ah oui Chester croyait que c’était une fée. Mais les sœurs de Chester lui ont appris la différence entre fée et sorcière.
Chester sauta sur le lit pour y planter ses griffes et trouer les draps et le matelas, à plusieurs reprises. Elle faisait ses griffes, tout simplement.
— Et donc toi aussi tu étais un animal qu'elle a transformé en humain ? Chester était un chat de Cheshire. Mais la sorcière a pas aimé que Chester lui parle tout le temps. Elle l'a transformé en humaine. Chester avait l'apparence d'un humaine mais elle restait un chat, tu sais.
Chester s'assit sur le lit en lambeau pour commencer à se lécher pour se laver.
— Mais Chester est devenue hybride dans la cité volante. Du coup Chester ne cherche plus la sorcière. Mais Chester peut t'aider. Chester a plein d'amis qui aident les gens maintenant.
Chester attendait de savoir ce que cette personne voulait d'elle exactement. Elle n'avait jamais revu la sorcière. Mais si elle pouvait aider quelqu'un à se venger d'elle, elle le ferait avec plaisir.
Dernière édition par Sax Sparkling le Jeu 11 Aoû - 15:46, édité 1 fois
Re: Boucles d'Or et Contes Défaits
La nuit comme un sépulcre
Sahar Mahjtani
http://fantasmagorie.forumactif.org/u542
Une ombre se faufile, grêle, furtive dans un flot de voiles cendrés. Sous la colonnade, on ne saisit qu'un souffle qui s'attarde, le murmure d'un soupir, l'écho avorté du crissement d'un calame, un froissement de papier. Les jardins bruissent, les eaux murmurent, tout s'abîme dans la mélopée suave de la nuit qui semble s'étirer dans un présent infini, rempli d'un grand vide bleu et noir. Le réel s'efface, se dissout dans l'obscurité, et les trainées mélancoliques des rayons de lunes ne font qu'exacerber cette étrangeté sereine lorsque l'oeil avisé saisit enfin, sous les ténèbres épaisses d'un porche désert, la silhouette qui s'attarde là. La lumière ambiante, claire, à peine suffisante pour discerner les contours et les formes, révèle un corps drapé d'étoffes légères, le flot d'une chevelure noire, et la courbe fuselée d'un bras cerclé de lourds joyaux. Est-ce un tatouage qui zèbre la peau pâle ? On jurerait voir, entrevoir, saisir à peine, comme un long et noir filet d'encre qui coule jusqu'au poignet, qui goutte, qui claque sur le carrelage, qui s'étale et s'étend quand elle marche, cette apparition retranchée comme le reste de la valse des couleurs. Point de rouge, d'écarlate, de cette nuance de brun sourd qui jaillirait des veines du premier venu.
Elle s'est assise, là, à quelques pas, et son profil d'oiseau de proie se découpe enfin dans l'ombre, aiguisé comme un couteau.
Comme souvent, Sahar ne dort pas. Les voix se sont réveillées, encore, un tourment familier. Raconte, raconte, disent elles sans arrêt... Alors, Sahar les a noyées dans l'ivresse, dans la fumée, dans la drogue, dans les bras de cet homme dont elle hante les draps quand elle a besoin d'oublier tous ceux qui cherchent à lui voler sa vie. Et comme souvent, quand elle ne sait plus que dire, quand elle sait qu'il n'écoutera rien, elle a jeté quelques lignes, une poignées de mots, écrits à l'encre de ses veines, en vain. D'un geste, la page a été froissée, et elle s'apprête à rejoindre, par-dessus les toits silencieux, la cohorte des lettres perdues, des mots jamais envoyés, des choses jamais dites, ces limbes verbales qui rassemblent tout ce que les amoureux ne se sont jamais dits.
Sahar se relève dans un grand flot de soie, se perche, sur la pointe des pieds. Il n'y a plus aucun bruit autour d'elle, tout se tait, et se trouble à peine quand son corps de danseuse, coriace et souple comme un jeune saule, se hisse sur la terrasse du toit. En plein clair de lune, baignée de lumière, elle ressemble à une statue de sable, aussi mouvante, aussi impalpable, sans cesse brouillée par le mouvement des longs voiles qui l'habillent.
En bas, dans une des chambres, il y un homme qui dort, celui à qui parlent ces mots griffonnés comme on s'épanche d'une pensée envahissante. Sahar s'est glissée hors de son lit muet, a recouvert sa nudité d'un caftan de soie, et elle est allée confier à la nuit les restes de ses troubles de l'âme. Là, dans la brise nocturne, la brise dilue l'ivresse, ou plutôt l'aiguise, en précise les contours, la rend lucide, piquante, mordante. C'est là, quand il n'y a plus rien, quand on se trouve face à l'immensité d'un silence mortuaire, quand on domine cette ville qui somnole entre deux feux et la lune, c'est là bien souvent qu'on a les pensées les plus claires. Sans les fards du jour, dans les ténèbres, les choses semblent mieux apparaître.
La poétesse sourit, un peu, aux étoiles, au ciel, au vide. Dans un éclat lunaire, on voit jaillir du toit ce qu'elle lissait de ses doigts depuis un moment : le mince feuillet, chiffonné, plié, replié, cette fois sous la forme d'un oiseau qui plane, file un moment avant de sombrer dans l'obscurité. Quelqu'un trouvera peut être ce courrier anonyme, sans queue ni tête, fruit d'une insomnie. Qu'importe.
Sahar sourit. Assise au bord du toit, elle songe en silence comme un corbeau, comme un chat, bercée par les remous de toutes ces substances qui brûlent l'esprit et consument les parasites qui s'y nichent. Les Autres se taisent, le silence se fait enfin.
Sahar Mahjtani
http://fantasmagorie.forumactif.org/u542
La nuit, comme un sépulcre. J'oublie parfois ce que ça peut être que de vivre quand on ne se soucie plus du jour, ni du reste. Des étoiles qui scintillent, lointaines, comme des couteaux, des fragments de glace, de vagues nuances qu'on perd avant même d'avoir conscience de les apercevoir. J'ai noyé ma peine dans le frisson de l'immensité, ce soir, j'ai rampé jusqu'à ton lit pour t'y voir dormir comme si c'était pour toujours, comme si c'était la dernière fois.
Là où tes cheveux s'écoulent, j'aime à y perdre mes doigts. Ce chuchotis de velours qu'ils font quand ils ruissellent est si doux à mon oreille que j'en ferais des chants, sais-tu ? Mais tu n'écouterais pas, oh, non, sans doute jamais l'oreille tendue à mes divagations, peut-être est-ce cela qui nous sépare et qui nous lie, peut-être est-ce parce que tu es la seule personne en ce monde à ne pas m'écouter. Ta surdité me ravit, je crois, parce qu'elle empêche toutes les autres voix que la mienne de se faire entendre. Ce n'est rien de cela que tu viens chercher dans le creux de mon alcôve, et ce n'est pas à ton écoute attentive que j'en veux lorsque, au cœur de nuits comme celles-ci, je m'enroule jusqu'à toi.
Là où tes cheveux s'écoulent, j'aime à y perdre mes doigts. Ce chuchotis de velours qu'ils font quand ils ruissellent est si doux à mon oreille que j'en ferais des chants, sais-tu ? Mais tu n'écouterais pas, oh, non, sans doute jamais l'oreille tendue à mes divagations, peut-être est-ce cela qui nous sépare et qui nous lie, peut-être est-ce parce que tu es la seule personne en ce monde à ne pas m'écouter. Ta surdité me ravit, je crois, parce qu'elle empêche toutes les autres voix que la mienne de se faire entendre. Ce n'est rien de cela que tu viens chercher dans le creux de mon alcôve, et ce n'est pas à ton écoute attentive que j'en veux lorsque, au cœur de nuits comme celles-ci, je m'enroule jusqu'à toi.
Une ombre se faufile, grêle, furtive dans un flot de voiles cendrés. Sous la colonnade, on ne saisit qu'un souffle qui s'attarde, le murmure d'un soupir, l'écho avorté du crissement d'un calame, un froissement de papier. Les jardins bruissent, les eaux murmurent, tout s'abîme dans la mélopée suave de la nuit qui semble s'étirer dans un présent infini, rempli d'un grand vide bleu et noir. Le réel s'efface, se dissout dans l'obscurité, et les trainées mélancoliques des rayons de lunes ne font qu'exacerber cette étrangeté sereine lorsque l'oeil avisé saisit enfin, sous les ténèbres épaisses d'un porche désert, la silhouette qui s'attarde là. La lumière ambiante, claire, à peine suffisante pour discerner les contours et les formes, révèle un corps drapé d'étoffes légères, le flot d'une chevelure noire, et la courbe fuselée d'un bras cerclé de lourds joyaux. Est-ce un tatouage qui zèbre la peau pâle ? On jurerait voir, entrevoir, saisir à peine, comme un long et noir filet d'encre qui coule jusqu'au poignet, qui goutte, qui claque sur le carrelage, qui s'étale et s'étend quand elle marche, cette apparition retranchée comme le reste de la valse des couleurs. Point de rouge, d'écarlate, de cette nuance de brun sourd qui jaillirait des veines du premier venu.
Elle s'est assise, là, à quelques pas, et son profil d'oiseau de proie se découpe enfin dans l'ombre, aiguisé comme un couteau.
Comme souvent, Sahar ne dort pas. Les voix se sont réveillées, encore, un tourment familier. Raconte, raconte, disent elles sans arrêt... Alors, Sahar les a noyées dans l'ivresse, dans la fumée, dans la drogue, dans les bras de cet homme dont elle hante les draps quand elle a besoin d'oublier tous ceux qui cherchent à lui voler sa vie. Et comme souvent, quand elle ne sait plus que dire, quand elle sait qu'il n'écoutera rien, elle a jeté quelques lignes, une poignées de mots, écrits à l'encre de ses veines, en vain. D'un geste, la page a été froissée, et elle s'apprête à rejoindre, par-dessus les toits silencieux, la cohorte des lettres perdues, des mots jamais envoyés, des choses jamais dites, ces limbes verbales qui rassemblent tout ce que les amoureux ne se sont jamais dits.
Sahar se relève dans un grand flot de soie, se perche, sur la pointe des pieds. Il n'y a plus aucun bruit autour d'elle, tout se tait, et se trouble à peine quand son corps de danseuse, coriace et souple comme un jeune saule, se hisse sur la terrasse du toit. En plein clair de lune, baignée de lumière, elle ressemble à une statue de sable, aussi mouvante, aussi impalpable, sans cesse brouillée par le mouvement des longs voiles qui l'habillent.
En bas, dans une des chambres, il y un homme qui dort, celui à qui parlent ces mots griffonnés comme on s'épanche d'une pensée envahissante. Sahar s'est glissée hors de son lit muet, a recouvert sa nudité d'un caftan de soie, et elle est allée confier à la nuit les restes de ses troubles de l'âme. Là, dans la brise nocturne, la brise dilue l'ivresse, ou plutôt l'aiguise, en précise les contours, la rend lucide, piquante, mordante. C'est là, quand il n'y a plus rien, quand on se trouve face à l'immensité d'un silence mortuaire, quand on domine cette ville qui somnole entre deux feux et la lune, c'est là bien souvent qu'on a les pensées les plus claires. Sans les fards du jour, dans les ténèbres, les choses semblent mieux apparaître.
La poétesse sourit, un peu, aux étoiles, au ciel, au vide. Dans un éclat lunaire, on voit jaillir du toit ce qu'elle lissait de ses doigts depuis un moment : le mince feuillet, chiffonné, plié, replié, cette fois sous la forme d'un oiseau qui plane, file un moment avant de sombrer dans l'obscurité. Quelqu'un trouvera peut être ce courrier anonyme, sans queue ni tête, fruit d'une insomnie. Qu'importe.
Sahar sourit. Assise au bord du toit, elle songe en silence comme un corbeau, comme un chat, bercée par les remous de toutes ces substances qui brûlent l'esprit et consument les parasites qui s'y nichent. Les Autres se taisent, le silence se fait enfin.
Dernière édition par Sax Sparkling le Jeu 11 Aoû - 15:46, édité 1 fois
Re: Boucles d'Or et Contes Défaits
La nuit comme un sépulcre
Boucles d'Or
Les enfants se cachaient dans la cave de la maison beige, entre les jarres de terre cuite qui attendaient d’être vendues.
Il y avait la fragile Astar, à la chevelure de chocolat lisse et aux yeux onyx remplis d’or rose.
Il y avait le joli Dastan, le plus petit, à la peau pâle et aux yeux verts innocents.
Il y avait la toute fine Sepher, qu’on disait bientôt prête à marier, aux yeux bruns d’ambre de chat.
Il y avait le grand Mohsen, le plus grand, aux yeux couleur de la glaise qui absorbe le monde.
Ils espéraient la mise à mort du vieil aveugle.
Boucles d’Or s’était mêlé à eux. Sous son manteau de laine de brebis, il passait pour un grand enfant ou un petit adolescent comme les autres. Comme les autres, il était monté sur une caisse pour regarder à travers le soupirail. Comme les autres, il espérait la mise à mort.
La place de sable était noire de monde. Les enfants étudiaient la scène à travers les jambes et les sandales.
On attacha le vieil aveugle sur la roue.
Les enfants étaient fébriles. Boucles d’Or ressentait leur fébrilité et la conservait en lui, quelque part sous l’estomac et au-dessus du nombril.
On fouetta le vieil aveugle sur la roue.
Les enfants ne voyaient pas grand-chose, les longs vêtements cachaient la vue. Des gens bougèrent. Les enfants virent du sang sur le sable.
Astar avait peur. Elle cacha ses yeux avec ses mains tatouées au henné.
Dastan ne comprenait pas. Il passe une main curieuse à travers le soupirail.
Sepher savait qu’il était honteux d’aimer le spectacle de supplice. Elle baissa les yeux.
Mohsen avait peur, lui aussi, mais il ne l’acceptait pas. Il se moqua d’Astar.
Boucles d’Or les observait et conservait leurs émois.
On cloua les mains et les pieds du vieil aveugle sur la roue. A chaque clou, le vieil homme hurla.
Astar regrettait de voir et d’entendre. Elle pleura.
Dastan comprit ce que le mot supplice voulait dire. Il devint triste.
Sepher aimait les cris de douleur. Elle sourit.
Mohsen voulait devenir fort et un homme fort ne pleure pas. Mohsen se forçait à ne pas pleurer.
Boucles d’Or les observait et enfouit leurs émois au fond de lui.
On jeta de l’huile sur le vieil aveugle et on le brûla. Le vieil homme hurla. Son hurlement était long et gigantesque, d’un gigantisme douleureux qui donna la nausée à tous les gens qui étaient là. Astar, Dastan et Mohsen partirent. Sepher resta près du soupirail. Ses yeux ambre renvoyaient les reflets des flammes. Une odeur de bois et de chair brûlée l’atteignit. Alors Sepher recula enfin.
Demanda Boucles d’Or.
Elle sursauta. Elle pensait être restée seule dans la cave.
Il fit non de la tête. S’il ne regardait pas, il n’avait pas peur. Mais il était un peu triste, de la tristesse innocente de Dastan. Ses yeux prirent les mêmes teintes de gris que les yeux du jeune garçon.
Murmura Sepher.
Elle était contrariée d’avoir été vue alors qu’elle savourait une mise à mort. Boucles d’Or sentit sa contrariété. Pourquoi n’avait-elle pas peur comme les autres ? Pourquoi n’était-elle pas dégoûtée comme les autres ? Boucles d’Or se souvint n’avoir jamais perçu de compassion en elle. Il la regarda. Il comprit que ce n’était pas la faute de Sepher. Elle avait été faite comme ça. Sans attachement pour les autres.
Elle haussa les épaules. Lentement, elle quitta la cave. Elle se retourna :
Sepher referma doucement la porte.
Boucles d’Or se tourna vers la roue où brûlaient les restes du vieil aveugle. Il ne pouvait pas se permettre d’être triste trop longtemps. La tristesse pouvait épuiser ses émotions et les tarir. Il se força à regarder la fin du bûcher et à ne pas ressentir. Pour contrer le sort de la sorcière au grand habit mauve, Boucles d’Or devait apprendre à ne pas ressentir tout le temps.
La nuit était tombée. Sur la roue, il ne restait que des cendres. Boucles d’Or s’approcha. Au fond de lui, il ne pouvait s’empêcher d’être triste pour le vieil aveugle. Le petit Dastan avait ressenti beaucoup de peine et la peine ne voulait pas se tarir.
Il posa un doigt dans les cendres. Etait-ce là tout ce qui restait d’un homme après le feu ?
Les cendres frémirent.
Boucles d’Or retira vite son doigt. Du milieu des cendres, un scarabée argenté émergea. Il avait de longues antennes et une cuirasse rebondie comme une pomme. Fin et gracieux, il était presque aussi grand que la main d’un homme.
Demanda Boucles d’Or au scarabée argenté.
Le scarabée bougea ses antennes vers lui. Il paraissait le jauger. Sentait-il la tristesse d’un enfant étranger pour le vieil aveugle ? L’insecte s’envola. Pendant quelques secondes, il resta en suspension devant les yeux de Boucles d’Or. Puis il continua son vol dans les rues de la ville.
Le garçon courut derrière lui. Pour ne pas le perdre de vue, il enjamba des corps de dormeurs à la belle étoile, il évita une chèvre perdue, il écarta le bras d’une femme qui voulait l’arrêter. A un carrefour, Il ne vit plus le scarabée argenté. Il pensait l’avoir perdu. Mais l’insecte magique l’attendait dans une ruelle voisine.
Soudain, un avion de papier passa près de lui et le scarabée argenté explosa en milliers de bulles de lumière. Les bulles entourèrent l’avion. Le firent tomber. Au sol, l’avion se déplia en une feuille de papier et la lumière argentée entra dans l’encre sombre.
Boucles d’Or ramassa le poème qu’il ne comprenait pas. Il leva les yeux au ciel. Qui avait créé l’avion de papier ?
Il ne vit qu’une silhouette féminine assise sur les toits.
La curiosité fébrile des enfants prit la place de la tristesse. Il eut envie de savoir qui était cette femme. Il fit le tour de la maison. Il ne trouva pas l’escalier extérieur qui mènait aux toits. Il devait entrer… Il entra. Il aurait dû avoir peur comme Astar mais il n’avait pas peur pour si peu. Au moins, il était courageux. Il trouva l’escalier qui menait aux toits. Il monta.
Sur le toit, il vit la femme plus proche. Il eut un moment de curiosité folle, une curiosité tactile et qui fait fi de tout. Comme Dastan devant le sang, Boucles d’Or avança vers la femme. Ses yeux bleus avaient pris les reflets des yeux curieux.
A mesure qu’il avançait, il se souvenait qu’il était honteux d’entrer chez les gens sans demander. Comme Sepher, il baissa les yeux, qui s’emplirent de reflets ambrés. Il posa ses pieds nus pleins de salissure avec plus de précaution sur le toit qu’il ne connaissait pas. Mais l’âme de Dastan ne le lâchait pas. La curiosité l’emportait. Il montra le poème argenté à la femme. Il demanda avec l’accent des étrangers venus de l’Ouest :
Boucles d'Or
Les enfants se cachaient dans la cave de la maison beige, entre les jarres de terre cuite qui attendaient d’être vendues.
Il y avait la fragile Astar, à la chevelure de chocolat lisse et aux yeux onyx remplis d’or rose.
Il y avait le joli Dastan, le plus petit, à la peau pâle et aux yeux verts innocents.
Il y avait la toute fine Sepher, qu’on disait bientôt prête à marier, aux yeux bruns d’ambre de chat.
Il y avait le grand Mohsen, le plus grand, aux yeux couleur de la glaise qui absorbe le monde.
Ils espéraient la mise à mort du vieil aveugle.
Boucles d’Or s’était mêlé à eux. Sous son manteau de laine de brebis, il passait pour un grand enfant ou un petit adolescent comme les autres. Comme les autres, il était monté sur une caisse pour regarder à travers le soupirail. Comme les autres, il espérait la mise à mort.
La place de sable était noire de monde. Les enfants étudiaient la scène à travers les jambes et les sandales.
On attacha le vieil aveugle sur la roue.
Les enfants étaient fébriles. Boucles d’Or ressentait leur fébrilité et la conservait en lui, quelque part sous l’estomac et au-dessus du nombril.
On fouetta le vieil aveugle sur la roue.
Les enfants ne voyaient pas grand-chose, les longs vêtements cachaient la vue. Des gens bougèrent. Les enfants virent du sang sur le sable.
Astar avait peur. Elle cacha ses yeux avec ses mains tatouées au henné.
Dastan ne comprenait pas. Il passe une main curieuse à travers le soupirail.
Sepher savait qu’il était honteux d’aimer le spectacle de supplice. Elle baissa les yeux.
Mohsen avait peur, lui aussi, mais il ne l’acceptait pas. Il se moqua d’Astar.
Boucles d’Or les observait et conservait leurs émois.
On cloua les mains et les pieds du vieil aveugle sur la roue. A chaque clou, le vieil homme hurla.
Astar regrettait de voir et d’entendre. Elle pleura.
Dastan comprit ce que le mot supplice voulait dire. Il devint triste.
Sepher aimait les cris de douleur. Elle sourit.
Mohsen voulait devenir fort et un homme fort ne pleure pas. Mohsen se forçait à ne pas pleurer.
Boucles d’Or les observait et enfouit leurs émois au fond de lui.
On jeta de l’huile sur le vieil aveugle et on le brûla. Le vieil homme hurla. Son hurlement était long et gigantesque, d’un gigantisme douleureux qui donna la nausée à tous les gens qui étaient là. Astar, Dastan et Mohsen partirent. Sepher resta près du soupirail. Ses yeux ambre renvoyaient les reflets des flammes. Une odeur de bois et de chair brûlée l’atteignit. Alors Sepher recula enfin.
Tu n’as pas peur ?
Demanda Boucles d’Or.
Elle sursauta. Elle pensait être restée seule dans la cave.
Et toi ?
Il fit non de la tête. S’il ne regardait pas, il n’avait pas peur. Mais il était un peu triste, de la tristesse innocente de Dastan. Ses yeux prirent les mêmes teintes de gris que les yeux du jeune garçon.
Alors ne demande pas…
Murmura Sepher.
Elle était contrariée d’avoir été vue alors qu’elle savourait une mise à mort. Boucles d’Or sentit sa contrariété. Pourquoi n’avait-elle pas peur comme les autres ? Pourquoi n’était-elle pas dégoûtée comme les autres ? Boucles d’Or se souvint n’avoir jamais perçu de compassion en elle. Il la regarda. Il comprit que ce n’était pas la faute de Sepher. Elle avait été faite comme ça. Sans attachement pour les autres.
Tu fais toujours semblant ?
Semblant ?
D’aimer les autres.
Elle haussa les épaules. Lentement, elle quitta la cave. Elle se retourna :
Si demain tu n’es pas parti, je dirai à mon père que tu as aidé le vieil aveugle.
Tu as peur ?
Et toi ?
Sepher referma doucement la porte.
Boucles d’Or se tourna vers la roue où brûlaient les restes du vieil aveugle. Il ne pouvait pas se permettre d’être triste trop longtemps. La tristesse pouvait épuiser ses émotions et les tarir. Il se força à regarder la fin du bûcher et à ne pas ressentir. Pour contrer le sort de la sorcière au grand habit mauve, Boucles d’Or devait apprendre à ne pas ressentir tout le temps.
La nuit était tombée. Sur la roue, il ne restait que des cendres. Boucles d’Or s’approcha. Au fond de lui, il ne pouvait s’empêcher d’être triste pour le vieil aveugle. Le petit Dastan avait ressenti beaucoup de peine et la peine ne voulait pas se tarir.
Il posa un doigt dans les cendres. Etait-ce là tout ce qui restait d’un homme après le feu ?
Les cendres frémirent.
Boucles d’Or retira vite son doigt. Du milieu des cendres, un scarabée argenté émergea. Il avait de longues antennes et une cuirasse rebondie comme une pomme. Fin et gracieux, il était presque aussi grand que la main d’un homme.
Comment tu es là ?
Demanda Boucles d’Or au scarabée argenté.
Le scarabée bougea ses antennes vers lui. Il paraissait le jauger. Sentait-il la tristesse d’un enfant étranger pour le vieil aveugle ? L’insecte s’envola. Pendant quelques secondes, il resta en suspension devant les yeux de Boucles d’Or. Puis il continua son vol dans les rues de la ville.
Le garçon courut derrière lui. Pour ne pas le perdre de vue, il enjamba des corps de dormeurs à la belle étoile, il évita une chèvre perdue, il écarta le bras d’une femme qui voulait l’arrêter. A un carrefour, Il ne vit plus le scarabée argenté. Il pensait l’avoir perdu. Mais l’insecte magique l’attendait dans une ruelle voisine.
Soudain, un avion de papier passa près de lui et le scarabée argenté explosa en milliers de bulles de lumière. Les bulles entourèrent l’avion. Le firent tomber. Au sol, l’avion se déplia en une feuille de papier et la lumière argentée entra dans l’encre sombre.
Boucles d’Or ramassa le poème qu’il ne comprenait pas. Il leva les yeux au ciel. Qui avait créé l’avion de papier ?
Il ne vit qu’une silhouette féminine assise sur les toits.
La curiosité fébrile des enfants prit la place de la tristesse. Il eut envie de savoir qui était cette femme. Il fit le tour de la maison. Il ne trouva pas l’escalier extérieur qui mènait aux toits. Il devait entrer… Il entra. Il aurait dû avoir peur comme Astar mais il n’avait pas peur pour si peu. Au moins, il était courageux. Il trouva l’escalier qui menait aux toits. Il monta.
Sur le toit, il vit la femme plus proche. Il eut un moment de curiosité folle, une curiosité tactile et qui fait fi de tout. Comme Dastan devant le sang, Boucles d’Or avança vers la femme. Ses yeux bleus avaient pris les reflets des yeux curieux.
A mesure qu’il avançait, il se souvenait qu’il était honteux d’entrer chez les gens sans demander. Comme Sepher, il baissa les yeux, qui s’emplirent de reflets ambrés. Il posa ses pieds nus pleins de salissure avec plus de précaution sur le toit qu’il ne connaissait pas. Mais l’âme de Dastan ne le lâchait pas. La curiosité l’emportait. Il montra le poème argenté à la femme. Il demanda avec l’accent des étrangers venus de l’Ouest :
C’est à toi ?