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Parfum de connaissance [Ofelia] Empty Parfum de connaissance [Ofelia]

Message par Carol Cecil Mar 14 Oct - 13:41

Il s’étire, il s’élastique. Le bout de son corps-nuage, pris dans la glu de la peinture. Il pousse sur ses molécules olfactives, de toute sa volonté. Carol, un brouillard senteur bonbon pris dans le liant inquiétant des piments blancs. La chaleur entoure le mur. L’eau s’évapore. La peinture –prison des grains infinitésimaux figés dans la sécheresse du matériau.

Carol désespère. Fébrilité de l’enfance qui a fauté. Il gronde, il marmonne, il tempête.

Nooooooooooon

Nooooooon

Noooon

Non

.


Personne ne l’entend.

Les cris des nuages ne font pas de bruit.

Il maudit l’esclave qui l’a poussé dans le pot de peinture. Il maudit l’ouvrier qui a peint le mur. Il maudit les gens sourds à ses cris. Il maudit l’intendant du Crystal qui a voulu faire repeindre le mur. Il maudit les gens d’aimer la peinture des murs blancs. Il maudit le créateur de la peinture. Il maudit le monde. Maudits ! Galeux ! POURQUOI… ?!

Une mouche volète. Carol l’attrape entre ses bras de parfum éthéré. Il la tire dans la peinture. Les bouts des six pattes de la mouche deviennent blancs. La mouche s’embourbe. La mouche panique. La mouche bourdonne pour s’échapper. Carol la retient. Les vapeurs chimiques montent à la tête de la mouche. Elle s’assomme d’odeurs toxiques et de relents blancs. Elle agonise.

Le nuage invisible grommelle.

Mouche, tu mourras avec moi.


Une rousseur passe devant lui. Vanille, bois de rose, musc… Une force flottante et animale autour d’une chevelure rouge. Carol s’étend jusqu’à elle. Lance ses tourbillons de corps invisibles. Elle ne sent rien, la femme. Oh la femme… La parfumée. L’indécente. La capiteuse.

Sauve-moi…


Murmure tristement Carol à l’oreille fine où pend une baroquerie.

Le nuage bonbon mord dans la boucle d’oreille de vermeil et de corail. La femme n’entend rien. Ne sent rien. Elle marche. Ses jambes rebondissent sur ses talons hauts. Sa jupe danse entre ses jambes. Elle arrache Carol à la peinture.

Libéré ! Extase du vent neutre. De la non-olfaction, de la virginité des sens, de la froideur aqueuse des brumes du ciel. Carol s’envole vers les hauteurs, ivre de soulagement et de délivrance. Il tourbillonne, il convulsionne. Les oiseaux qui traversent le ciel crient lorsqu’ils le traversent. Carol sent le citron. Ils le déchirent, le morcèlent. Leurs ailes dures le transpercent. Les soies de leurs plumes le coupent comme du verre. Carol hurle et fond vers la terre. Nuage dans nuage, le parfum s’alourdit des gouttes d’eau en suspension.

Il pénètre le Crystal, à la vitesse de vents blessés. Il se laisse choir sur les dalles. Toute l’eau dégouline de son parfum altéré. Son citron sent la pluie, les bruines et les ravages torrentiels. Ca lui donne envie de pleurer.

C’en est assez.

Marre…


Qu’on le laisse. Qu’on lui foute la paix. Qu’on lui jette indifférence ou apathie. Ou mieux. Qu’on l’aime un peu.

Dans le noir du Crystal du soir, Carol reprend corps. Une pellicule, fine comme du pétale, beige et lisse, apparait dans le hall. Ca ressemble à un masque en suspension, qui tremble au moindre souffle d’air. La pellicule-peau est traversée des vagues de vents entrés par la grande porte du Crystal. Carol cligne des paupières. Le masque volant est vivant. Il tourne ses yeux noisette en lui-même. Devant le masque, les yeux sont blancs. Dans le ceux du masque, les pupilles sombres observent l’intérieur de lui-même.

Personne… ?


Si, là-bas, quelqu’un qui approche du Crystal.

Il se dépêche. Il se hâte. Le reste du corps – cheveux, cou, torse, bras, bassin, jambes poussent depuis le masque. La pellicule de peau s’étend en forme de jeune homme assis. Nu. Il regarde son sexe. Il se souvient que ce n’est pas présentable. La pellicule peau s’étend en forme de vêtements autour de la forme de jeune homme.

Il ferme les yeux.

Il irradie de parfum discret. Violette et bergamote.

Les odeurs du passé.

Celui qui les sent, aura l’impression que tous les gens rencontrés sont des connaissances de longue date.

Carol se lève en un bond. Il se tourne vers la personne.

Bonjour, tu joues ?

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Parfum de connaissance [Ofelia] Empty Re: Parfum de connaissance [Ofelia]

Message par Ofelia Jeu 16 Oct - 20:46



Clair-obscur. Notes aiguës. Touches froides et lisses. Émotions.


Envie folle de dessiner sur la thématique de l'obscurité et de la lumière. Les choses cachées. La perte. Une feuille là, et déjà sur le grain s'applique la douceur, la précision de la mine spirituelle. Des courbes, des droites tremblantes font apparaître la douleur d'un être étrange, qu'aucun contour ne délimite. Il fait parti de l'environnement. Il est perméable. En quoi est-il véritablement un être, lui qui ne fait qu'un avec le décor ? Sa pensée ? Elle semble elle-même s'évaporer. Les traits fins, délicats voient leur charme rehaussé par la lourdeur des ombres nuancées. Et déjà la solitude et la mélancolie reprenne le dessus sur le mystère de cet être qu'elle venait de découvrir en même temps que ses doigts. La muse pose la feuille délicatement, volante, sur le piano dont personne ne joue. La salle est vide, plongé dans la semi-obscurité. Seul quelques bougies éclairent les murs pesants.

Ofelia ouvre la porte, des voix s'immiscent dans le silence. Ses mains referment lentement son havre de paix et elle parcourt sans un bruit, fantomatique, telle une Grâce le long couloir. Elle fait courir le bout de ses doigts et sa peau s'imprègne de sa matière, de sa couleur. Elle sent l'effluve de la peinture fraîche, sa blancheur immaculée. Et déjà, l’extrémité de son corps dessine invisible et vit intensément la scène qui sera peint ici. Bientôt, les ténèbres envahiront la toile blanche. Bientôt, les visages des damnés se révéleront, bientôt les visages des dieux jailliront. Comme s'ils avaient toujours étaient là. Ceux d'autrefois que sa mémoire n'a jamais connu, ceux qu'elle a oublié, ceux qui viendront après. Le Crystal sait ou saura. Qu'importe le concept de temps. L'Art est immuable. Une métaphore parfaite. Les âmes des habitants enfin à leur juste place, dans les murs du Crystal Palace. La vérité criante au visage des passants qui se contenteront d'aligner les pas, cherchant à gagner plus vite que jamais leur destination, cherchant à échapper aux regards accusateurs, aux regards désespérés, aux regards perdus. Oui, c'est ce qu'elle représentera sur ce mur. C'est ce que le Crystal lui insuffle malgré lui. Des couleurs passent et s'effacent sous son regard jusqu'à ce qu'elle heurte un être vivant. Presque. Un éphémère dans l'édifice de l'éternel. Elle jette l'impur au sol et se retourne, fuyant le futur miroir de la réalité, frissonnante comme sous la brise fraîche d'automne.

Ses pas la conduisent au hall. Le cœur. Le début. Le Crystal. Elle contemple le luxe et ses nuances criantes, précieuses, lourdes, clinquantes. Les rideaux pesants. Les artistes qui se pressent d'une porte à l'autre. Les spectateurs pressés d'avoir leur dose de vie. Se mêler à tous ceux qu'ils disent déviants alors même qu'ils viennent chercher leur compagnie. Toutes ces âmes esseulées. Et elle, la plus seule d'entre elle. Elle sent non loin de là une petite brisure sur une sculpture. Elle la caresse, froide, de bronze, et guérit la blessure de l'Art. Tendrement, comme on panse un enfant. Une grande inspiration et le monde reprend sens. Un parfum léger. Familier. Incroyablement familier. Là, là ! Le visage de la rousse s'illumine légèrement et dans son regard un soupçon d'émotion, un soupçon de surprise, un soupçon d'espoir s'éveille. Le passé. Cet instant qui s'échappe toujours, fuyant, de son esprit. Il est là. Il prend le pas sur le présent. Il existe. Il se fait sentir, s'impose. Mais il est si léger, comme une fragrance. Son corps s'anime, son corps revit, car il a un passé et un présent. D'où vient ce parfum ? D'où vient-il ? Comme une obsession, elle marche de plus en plus vite, finissant par courir. Là, lui ? Non. Elle ? Non plus. Ofelia s'approche et s'éloigne de ses compatriotes à l'allure encore plus étrangère qu'habituellement. Son esprit lui dit qu'elle les connait, qu'ils sont familiers alors que son regard ne reconnait rien. Enivrant. Entêtant. L'espoir devient folie. Le temps s'accélère autour d'elle, elle vacille entre ses doigts crochus qui la giflent, la griffent. Le désespoir l'envahit. Elle finit agenouillé sur le marbre froid, pleurant, au milieu des regards qui la dévisage effrayé. Le Crystal se joue t-il d'elle ? Pourquoi ? Ses mains elles-mêmes lui semblent étrangères à son propre corps. Elle les regarde, pleine d'incompréhension tandis que le parfum la poussent encore et encore à la recherche d'une âme qui ferait écho à la sienne.


"Bonjour, tu joues ?"


Des mots discrets. Les a t-elle vraiment entendu ? Elle doute de tout et pourtant son Art vibre en elle. Il devient pressant, voulant s'exprimer. De sa paume, de la craie se pose sur le sol devenu noir. De grands gestes, hésitants, comme si son corps réapprenait une comptine d'autrefois, elle trace la forme d'une marelle. Des larmes se lisent dans son regard, sans jamais en sortir. Ce souffle d'antan, cette douceur enfantine, ces jeux innocents...


"Oui, je veux jouer. Je veux retrouver ces souvenirs effacés. Je veux aimer."

Un fantôme, une présence. Voilà tout ce qui lui reste de ce qu'elle était. Et ce parfum... elle ne l'a pas oublié alors même que le Crystal lui a tout pris. Pourquoi lui avoir laissé ce dernier vestige ?

"Libère-moi. Je t'en supplie. Libère-moi. De ce supplice ou de ce semblant de vie."

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Message par Carol Cecil Mar 4 Nov - 12:45

Ruinée, la femme. Dévastée. Consumée.


Dame…


Carol recule de deux petits pas.

Cabri. Faon. Adolescent.


Dame, vous semblez bien triste.


Le jeu, c’est fait pour rire. Le jeu, c’est fait pour s’alléger.

Sur les dalles froides, la main pâle. Sur le sombre, le clair du paradis. Il est blanc, il est souple, il se dessine seul sous les doigts posés sur lui.

La femme pleure.

L’âge adulte est-il trop grand pour les jeux d’enfants ?

Pour répondre à l’âge adulte, un nuage de parfum aux formes adolescentes. Un nuage qui ne sait plus pleurer depuis longtemps, que des perles de fragrances et d’essences enchantées.


Les pleurs sont beaux sur une femme, mais sur une dame ?


Sur une muse ? Sur un symbole ? Sur un maître des arts ?

Oh, il déteste ça, le petit parfumeur. Il déteste voir un de ses commandeurs en proie à la tristesse. Un de ses chefs. Un de ses leaders.

La tristesse, la faiblesse.
La faiblesse, la déficience.

Il déteste ça.
Il abhorre et il maudit.

Il ouvre la bouche. L’envie de mordre. L’envie d’aspirer l’air et de le recracher, en vapeurs de souffre, dans tout le Crystal enchanté. L’envie d’assainir les artistes de leurs déficiences et de leurs manques.

Mais il doit refermer la bouche. Sa bouche n’a pas de babine, sa bouche n’a pas de crocs. Que des dents de parfum aux formes de crocs. De l’irréel des canines. Du prédateur fait d’air.

Petit parfumeur, seulement.

Il regarde ses mains. Aucune arme pour détruire les faiblesses. Il n’a que sa propre faiblesse pour combler la faiblesse.

Alors pour la femme, pour la muse, pour le maître, pour le commandeur, pour le leader… Quel mensonge ?

Un petit mensonge?
Un doux mensonge?
Un tendre mensonge?


Vous souvenez-vous, quand vous me preniez dans vos bras ?


Il ment bien, Carol. Il ment avec le sourire. Il ment avec douceur. Il ment parce qu’il n’a que ça, le mensonge, pour arrêter les pleurs.

Autour d’eux, les gens se taisent.

Personne d’autre ne sait y faire. Alors les gens savent qu’il faut laisser faire.

Laisser glisser le passé imaginé.
Laisser se tordre l’affection.

Dans la bouche, dans les gestes. Du petit parfumeur qui ne peut dire que ce qu’il désire dire. Un désir qui ne vient pas du présent. Un désir qui n’a rien à voir avec les déficiences. Un désir qui vient juste de lui, du fond, du tout au fond, de lui.


Comme un petit frère.


Le nuage expire les mots de la famille, comme il soupire un regret. Une nostalgie de désir, plus qu’un souvenir. Une grisaille sur la langue qui tristesse tout ce qu’elle prononce.

Non.

Il cesse de parler. Il ne veut pas  être triste. Pas lui. Pas Carol. Pas l’homme qui a trente ans et qui sait mieux que quiconque comment rendre belle l’odeur d’une femme.

Il sourit. Il se force. Il ouvre ses yeux noirs. Il y met des étoiles de joie. Il y met toute sa force de nuage de gaieté.


Moi je m’en souviens.


Il cabriole vers elle. Il revient vers elle. Proximité des êtres. C’est à la proximité que les émotions sont les plus difficiles à tenir. Quand la joie heurte la tristesse. Quand il voit les yeux humides alors que ses yeux sont secs. Quand il sent la crispation des muscles alors que les siens sont relâchés.

Mais il tient bon, Carol. Il tient tête. Il tient joie. Il tient tendresse. Il tient douceur. Il tient caresse.

Il avance une main, une fine main.


Je peux vous montrer.


Vers l’épaule du commandeur, qu’il veut fort et invincible.
Si pour le rendre fort et invincible, il doit lui donner de l'affection, il lui donnera toute l’affection du monde.

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Message par Ofelia Dim 30 Nov - 22:44

L'encre de chine s'empare de son être. Son insondable noirceur, son obscurité que rien ne peut percer, parcourt son corps, semblant l'absorber dans le néant, tandis qu'à travers ses perles de souvenirs froides, elle ne voit que la blancheur pure du paradis, de l'autrefois, dénué des nervures de la souillure du réalisme. Comme des nuages doux, flottants, où son esprit se sentirait comme dans un cocon. Trop loin de ses doigts. L'ombre la gagne, la recouvre et la chaleur procuré par le parfum s'évanouit dans un abysse profond. Le Crystal, le Crystal veut arracher la peine, veut reconquérir son cœur. Le spectacle des souvenirs arrachés laisse immobile les âmes damnés qui le contemplent. Eux aussi, au fond d'eux, savent qu'ils subissent le même sort. Rien ne peut arrêter la puissance et le réconfort de l'oubli octroyé par le Crystal. Hormis un fantôme, un parfum, le passé. La petite voix imperceptible au sens mais qui vibre à son cœur. Quelqu'un. Quelqu'un qui se soucie d'elle, autrement que pour l'admiration. Pour la pitié, pour l'empathie, pour sa peine. Une présence qui annihile la solitude des instants.

Elle perçoit doucement les mots qui résonnent et ses larmes cessent de tomber dans leurs couleurs argentés sur la marelle à demi effacée. Le noir semble se consolider sur son corps, comme une enveloppe qui sèche au lieu de s'infiltrer, prête à se craqueler. Le Crystal a t'il déjà tout absorbé ? Des fissures argentés semblent fendre la coquille fragile, par des courbes douces, tremblantes, enfantines. Aucun son n'émane de l'ombre solide qui se perce. Et toujours la voix étouffée parvient à Ofelia.


"Vous souvenez-vous, quand vous me preniez dans vos bras ?"


Non. Non, hélas, non. Quand était-ce ? Hier ? Il y a des années ? Qui est cet esprit volant, cette fragrance qui se dilue ? Quel est son lien avec elle ? Est-ce celui qui la hantait de ces yeux noirs, qui la blessait par son regard ? Non, Ofelia ne ressent pas cette présence-ci. Et malgré l'absence de reconnaissance, la muse se lève et l'ombre s'évapore autour d'elle, glissant, se fondant dans le sol qui reste noir comme un tableau, effleuré par la poussière de la craie. Son esprit cherche, tatonne, effleure la surface des souvenirs. Ses sens s'accrochent à cet être.

"Comme un petit frère."

La muse s'arrête net. Son coeur aussi.


"Où es-tu ? Qui es-tu ? Je ne me souviens de rien. Viens à moi, viens à moi, ô doux enfant, que j'ai tant chéri."

Sa voix est brisée, suppliante. Ses doigts effleurent l'air, encore, doucement, tendrement. Elle croit sentir un sourire, un regard intense, un parfum enivrant. Là, sous sa main, des fils doux, aériens. Une chevelure invisible. Elle caresse délicatement et dans son geste, tout son amour se déverse. Drôle de spectacle pour ceux qui contemplent la douce Ofelia passer ses doigts doucement dans le vide du grand hall... Mais les artistes en ont vus d'autres. De la poussière colorée tombe en neige de ses doigts, multicolores, pimpantes. Elle sourit. Enfin. Et dans ses muscles se ressent la douleur d'une action depuis trop longtemps oubliée.


"Moi je m’en souviens."

Quel être étrange, qui se souvient. Est-il privilégié du Crystal, au-dessus des muses ? Vient-il d'arriver ? S'est-il dérobé, toujours, des griffes du joyau scintillant ? Le souvenir, Ofelia voudrait tellement le retrouver, et lui, lui qui semble heureux, en a encore. Se rend-il compte de sa richesse ? A quoi sert le présent, le futur, à quoi sert la richesse, le pouvoir, à quoi sert la gloire, l'admiration, si le vide du passé envahit tout ? Elle donnerait tout et sa vie, pour se souvenir de ces instants doux avec cet être, mais demain, déjà, elle ne saura plus rien de ce moment et elle le croisera, de nouveau, sans l'ombre de la reconnaissance. A lui la tristesse de l'indifférence, à elle, la non-vie qui lui sert d'existence.

"Je suis désolée si je te froisse, joli être. Mais de toi, je ne me souviens de rien. Quand nos destins se sont-ils croisés ? Ici ? Ailleurs ? Ton sourire, ta voix m'évoquent les airs, les herbes et le soleil. Ils m'évoquent la nuit étoilée. Ils m'évoquent des fleurs aux couleurs éclatantes. Vois, vois, enfant, ce que m'évoque ton existence, ta sollicitude."

Et du bout des orteils, Ofelia marche sur la marelle. Des couleurs jaillissent, comme un feu d'artifice, sans l'éclat du bruit. Des pastels. Des ton vifs. Des nuances brillantes comme de la soie. Elle marche dans les cases, puis finit par sautiller, main dans la main avec le parfum délicat, joyeux, fragile et fort à la fois. Et sous leurs pieds se dessinent autour du jeu d'enfant, des prairies entières, parsemées de coquelicot et de lavande sauvage, faits de peinture, d'argile souple qui mime l'effet du vent. Sur les murs du hall, grandissent des pousses, qui atteignent en un instant la taille de fiers arbres. Et de vives couleurs se peignent, presque mouvantes, dans les airs, sous la forme d'oiseaux muets et de papillons discrets. Nul bruit dans ce décor. Les corps des damnés immortels et des bien-chanceux mortels se peignent des couleurs, se fondent dans la peinture immense et éphémère et des murmures ravis s’élèvent dans le silence. Et toujours au centre, la marelle intacte et les deux êtres solitaires qui sont parvenus au paradis.

Elle ressent comme un souffle, sur sa peau d'albâtre, le contentement du Crystal. Il y a plusieurs moments, peut-être, qu'elle n'a pas crée ainsi. Elle sent son dilemme profond...

"Montre-moi ce dont tu te souviens de nous. Je veux me souvenir. Je veux vivre ! Tu es le premier à toucher ce qui reste de mon humanité. Tu es le premier à oublier la muse, mon ami, mon enfant, mon frère. Et moi, moi, je ne me souviens pas de toi, ni des possibles autres qui ont pu m'arracher un moment à ce présent perpétuel... Ne m'en veux pas, je t'en prie. Montre moi, dis moi ! Jour après jour, s'il le faut, mais fais moi vivre un instant dans le passé, notre passé."

Elle caresse, délicatement l'air de sa joue et lui sourit. Elle meurt d'envie de se souvenir, de se sentir aimée, de se sentir mortelle.

Puis le doute. Le Crystal.


"Est-ce que cela sert ? Est-ce le Crystal ou moi qui ne veut pas me souvenir ? Est-ce qu'il va encore m'arracher à ce bonheur, à peine donné ? Est-ce que je souhaiterais qu'il me donne la douceur de l'oubli ? J'ai peur, petit être, mais sache que je t'aime."

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