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Les flammes de l'Innocence Empty Les flammes de l'Innocence

Message par Morgan Lun 6 Oct - 21:45



Les Flammes de l'Innocence


-Pourquoi tu sors ?

La bouche boudeuse, le regard noir, les bras croisés, les cheveux en bataille. Kalliope. Morgan s’immobilise, prise par surprise. La petite chatte n'a pas l'habitude d'être prise au piège des regards de sa sœur, elle fut maintes fois plus discrètes. Mais près de la porte, sur la défensive, son aînée la regarde, la prunelle noire, que traverse des éclairs, et la mine si renfrognée qu'il semble impossible de croire qu'elle a rie un jour. Les yeux de chat de l’enfant sage s’écarquille, Morgan mendie son silence du bout des cils, puis elle montre la chouette qui chantonne, de l’autre cote de la fenêtre et qu’il est possible de voir par transparence à travers de rideau usé de leurs petites chambres. Son appel, son chant, enflamme son petit cœur battant. Il n’y a rien de plus beau que la nuit. Elle aimerait le leur dire, à tous ses adultes qui s’endorment si vite. Ce n’est pas l’heure de coucher les enfants. Morgan ne veut pas dormir. Elle reste un instant silencieuse, puis, lentement, sans dire un mot, elle s’avance doucement, tout doucement comme si ses gestes pouvaient disparaître dans leurs lenteurs, absorbé par le temps, comme si Kalliope ne pouvait pas voir, la détermination cachée derrière ses pas hésitants. Elle s’avance, le visage suppliant, les yeux plein de sentiments, tentant d’hypnotiser sa jumelle par la seule puissance de son regard d’enfant. Elle s’avance jusque la porte, et quand elle l’atteint, elle l’ouvre brutalement et s’engouffre dans le néant obscur d’une nuit sans faille.

Les ténèbres hantent le ciel. C’est une nuit sans lune, et les étoiles vacillantes scintillent tout à peine. Les bruits semblent plus prononcés, elle se dirige aux sons, se perdant dans l’humidité qui ruisselle sur le bord du chemin. Elle avance à l’aveugle, quelques secondes. Puis un souffle bat à sa gauche. Un bruit de vol, de plumes qui embrassent le silence et le bousculent tout à peine. L’oiseau est lourd, il se pose sur son épaule. Ses griffes percent sa peau, l’enfant tremble, mais la chaleur que lui insuffle l’animal et la joie qu’elle ressent lui fait bien vite oublier sa petite blessure. Instinctivement, Morgan lève sa main et caresse lentement la chouette. Les plumes sont pleines d’une chaleur volée au velours du ciel noir. L’enfant frissonne, la fraîcheur glisse le long de sa peau, pénètre ses os. De froid, son corps s’étire puis se contracte en une petite toux qui fait frémir et ouvrir les ailes de la chouette pour rétablir l'équilibre et ne pas chuter. La caresse des ailes dans ses cheveux, sur son visage, la fait sourire. Morgan se sent libre, Libre. Et elle a envie de rire.

Un papillon de nuit, léger et fragile, vient sur son bras. Ses pattes chatouillent sa peau sensible mais l’enfant reste immobile. Un autre vient, cette fois ci sur son nez, elle le repousse, amusée. Il s’envole et vient de nouveau, cette fois sur sa robe de nuit. Puis un autre arrive, puis un autre, un autre, elle ne peut plus les compter. Bientôt la petite fille est au centre d’une tornade de papillons de nuit, d’ailes duveteuses, et de phéromones qui sentent si bons et qui la laisse amoureuses. La chouette maligne, perchée sur son épaule, en attrape quelques-uns au passage, savourant ci et là un petit repas inespéré. Et puis soudain les ailes entomologiques cessent de bruisser, les pattes se posent tout autour d’elle, sur sa peau, sur ses vêtements, tant et si bien qu’il est impossible de voir la robe de l’enfant. Les papillons de nuit couvrent sa peau pale. Ils lui parlent, du bout de leurs ailes frémissantes. Ils la protègent des heures froides. Un bourdonnement l’enrobe d’une chaleur amoureuse alors que la chouette lui offre ses yeux. Il fait nuit, le monde a froid, les hommes se pelotonnent dans leurs lits. Elle, elle sent la chaleur d’un monde nocturne qui vibre lentement sous la caresse d’un courant d’air souterrain. Les autres. Les autres ne vivent pas comme elle. Pas tout à fait. Son père, il dort du sommeil du juste, épuisé. Kalliope, sa sœur sans tatouage, peut-être se rendormira-t-elle. Elle ne peut pas comprendre, ils ne peuvent pas comprendre. L’appel de Gaia. La chaleur du sang qui coule dans ses veines. Son regard encore plissé par les rides de l’eau. Les tatouages mouvants. Le besoin qu’elle a d’être auprès des siens. Ses yeux dérivent vers cette maison, qu’elle vient juste de quitter. Ses pupilles s’aveuglent à cette lumière qui s’allume. Oh non, déjà ? Son cœur manque un bond. Pas cette fois ! Elle part en courant, évitant avec soin les flaques d’eau et les rivières amoureuses de son père.

Les papillons les uns après les autres se retirent de son corps qui court, si vite, du haut de ses petites jambes d’enfant. S’égrenant derrière elle, ils s’envolent vers le ciel, vers cette lumière pour l’éteindre. Armée de poussières, ils ralentissent ses poursuivants. La voix de son père tonne, elle l’ignore, se réfugiant toujours plus loin. Elle a envie d’être libre, comme cette chouette errante qui s’est perdue dans les profondeurs de la gare et qui vole à ses côtés, la guidant de son regard. Elle doit se cacher. Au hasard d’un chemin, elle entre dans une petite demeure, évite la table, se glisse dans les ombres, puis ouvre la porte d’une chambre. Ses pieds ont la légèreté des ailes perdues, ses gestes, le bruit plumeux des ailes de la chouette, Sa compagne, qui est entrée avec elle et qui se niche en hauteur, dans la chambre du garçon.

Embêtée, l’enfant hésite. Ici c’est une bonne cachette, mais lui, lui elle ne le connaît pas vraiment, il est déjà grand. Des fois elle aime bien à venir traîner dans ses pattes, mais elle n’a pas grand-chose à lui dire. C’est un garçon, en plus, comme si être grand lui suffisait pas. Et presque un adulte. Lentement Morgan ferme la porte derrière elle. Au fond, la petite fille l’aime bien. Quand elle s’approche de lui elle sent la chaleur de son corps. Il a l’odeur du soleil sur les pierres, les étincelles qui crépitent comme le feu de foyer. Gaia lui souffle toujours de lui faire confiance, qu'il est un peu comme son frère, qu'ils sont pareils, qu'ils sont les élus de la forêt, Mais c'est difficile de lui faire confiance, il est trop grand. Morgan ne veut pas croire les adultes, ils ont perdu leurs âmes enchantés, le regard de rêveur et le souffle des anges. Et Knox, il a déjà perdu quelque chose, elle le sent. Pourtant, alors qu'il dort, apaisé, le souffle lent, il ressemble plus si fort aux grands. Il lui semble beau, il lui semble doux et Morgan a si froid. Lentement, la petite sauvage se glisse sur le lit et se roule en boule dans un coin, le plus discrètement possible.

Elle rêve, Morgan, alors que la chaleur du garçon engourdi ses sens. Elle rêve, elle rêve et puis elle glisse du côté de la barrière qu'il ne faut pas franchir. Elle songe aux heures noires, elle se rappelle des fragments d'histoires, la violence des bêtes, la colère des hommes, l'enfant qui lui a refusé un sucre, la petite fille qui s'est moquée d'elle. Son corps se recroqueville, elle se sent seule dans ce monde qui l'a fait naître mais dans lequel elle ne se sent pas grandir. Ses rêves se transforment, des jardins d'épines, une marée noire, un gouffre profond. Gaia est blanche et noire, Morgan sait comment gagner. Elle fait venir les loups, leurs gueules hurlent à l'unisson de sa fougue. Elle sait comment gagner, gagner contre les hommes. Une marée d'insectes surgit de la terre, avale des visages, dévale les pentes arides des femmes infécondes. Les oiseaux se jettent sur les yeux, les pies volent les iris, les serres s'enfoncent dans les orbites. Il n'y a nul cauchemar qu'elle ne peut combattre,mais la violence fait trembler son corps fiévreux. Sa magie, si puissante, si illusoire, s'étends comme un drap autour d'elle. Sa magie, qui n'est pas tant la sienne que celle des autres, qu'elle catalyse à l'excès, devient son duvet, sa couverture, contre ce monde si laid qui parfois lui fait peur, Elle aimerait retourner dans la forêt, vivre auprès d'un arc en ciel et d'un vieil arbre, s'évanouir entre les fleurs, devenir le crocus blanc d'une enfance pure ou l'insecte noir qui en dévore le nectar. Sa magie devient un feu brûlant tout autour d'elle, elle a chaud, si chaud, plus chaud que Knox qui ne sent pas la chaleur, et qui, dans son sommeil, devient soudain si puissant que sa magie s'évapore autour de lui, sauvage et carnassière, douce et chaleureuse. Etincelles et Flammes. Qui brûlent.



Et dans un cri, alors que les flammes jaillissent de toute part, elle s'éveille.



"La curiosité dans quelques âmes, produit le même effet que produiraient des flammes."
Citation de Pierre Corneille ; Menteur, IV, 9 - 1643.

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Message par Invité Lun 13 Oct - 16:47

Le boyau était à peine assez large pour permettre le passage de son corps d’adolescent. Il devait se contorsionner, respirer l’air vicié, faire fuir cette terrible angoisse, ce sentiment d’écrasement qui s’accrochait à sa peau. Aussi collant que la boue de silice qui le recouvrait, masquant ses tatouages, plaquant ses cheveux sur son crâne et son pantalon contre ses jambes, rendant sa progression encore plus laborieuse. Enfin, le passage s’élargit, tombant abruptement sur une haute salle. De nombreuses cathédrales rocheuses blanches, couvertes d’une fiche couche d’eau, renvoyaient l’image des flammes de Knox. Celles qui naissaient au creux de sa paume, unique source de lumière dans cette totale obscurité.

Le Pilier du feu n’était pas à l’aise dans ce sombre royaume, fief de la Terre et de l’Eau, dans lequel il n’était qu’un intrus. S’engouffrer dans les entrailles de la Montagne n’était pas une bonne idée, pourquoi s’était-il lancé là-dedans ? Comment était-il arrivé au pied de ces pentes abruptes et noires ? Comment avait-il trouvé cette grotte humide ? Il n’avait pas de but précis, il n’y avait de toute façon aucun chemin hormis les quelques tracés laissés par le passage des animaux les plus imposants. Cela faisait des jours et des jours que la Forêt l’avait avalé. Une boule au ventre, il n’avait pas cherché à réfléchir, s’était contenté de laisser ses pas décider, laisser parler Gaia, lui accorder toute sa confiance, toute sa reconnaissance, sa vie toute entière. Elle pourvoyait à ses besoins.

Brrrrommm… A nouveau la Terre eut un frisson, un tremblement accompagné du grondement sourd. Ces mouvements périodiques raisonnaient jusque dans les entrailles du pilier, le faisaient avancer. Sa propre température s’élevait, séchant la boue de silice qui se détachait de son corps en plaques. Le sol était glissant, le plancher stalagmitique gorgé d’eau, ses pas se faisaient prudents, pieds nus, il faisait reculer l’humidité dans un chuintement de vaporisation. Toujours plus loin, toujours plus bas. Knox n’avait pas la notion de l’heure, du jour ou de la nuit. Il n’avait pas faim, ni soif, il n’était pas fatigué, il était même étrangement fébrile. Le froid humide laissait la place à une chaleur étouffante, irrespirable, le jeune homme en était euphorique, comme drogué par les vapeurs de souffre. Désormais les tremblements de terre étaient assez violents pour le faire tomber, à chaque fois, mais il se relevait.

Une lueur aveuglante rougeoyante, le cri sifflant de la vapeur qui tentait désespérément de trouver un chemin, l’explosion assourdissante de bulles de gaz qui éclataient de l’autre côté de la paroi, et le glougloutement lugubre de la fusion juste en dessous de lui. Cela faisait peut être des heures que Knox contemplait le spectacle merveilleux de ce lac de lave si chaud que le fluide en était jaune, tournoyant, liquide comme du miel. Perché sur une corniche, il était assis sur de la roche tellement brûlante, que l’épiderme de n’importe quel humain serait resté collé dessus. Pas le sien. Le tissus épais de son pantalon partait en fumée, mais il s’en fichait bien, hypnotisé par le spectacle. Sa peau répondait au magma sous lui, devenait fusion, s’accordait au brasier. De temps en temps, une goutte de condensation tombait depuis le plafond terriblement haut de la grotte, mais elle s’évaporait avant même d’atteindre la lave. De temps en temps, un petit morceau de roche se détachait de la paroi, et il était englouti, dissout par le fluide. Ici, dans cet univers, son élément était le roi, le dieu de ce monde souterrain, le Feu dominait l’Eau et la Terre. Knox s’émerveillait de sa puissance, de son calme et de sa fureur destructrice, de sa capacité à façonner la Mère elle-même.

Il se remit debout. Doucement, précautionneusement, il avançait. Si ses gestes étaient lents et maîtrisés, ça n’était pas parce qu’il avait peur de tomber dans le lac de feu, c’était parce qu’il ne pouvait s’en approcher sans déférence, sans cérémonial, comme on s’approche d’un autel, d’une vision divine, d’un buisson ardent pour d’autres. Bientôt, à quelques centimètres de ses pieds, le rivage de lave. La chaleur était tellement élevée, que se tenir ici était douloureux, désagréable même pour lui, mais si fascinant… Knox s’accroupit. Il posa un genoux maintenant nu au sol, et aussi lentement que si il cherchait à caresser une bête sauvage sans l’effaroucher, il tendit sa main vers le magma en fusion. Un hurlement, sortit de sa propre gorge, un cri grave, de douleur, mais d’improbable plaisir aussi. La sensation de faire partie d’un Tout plus puissant que jamais, plus terrible que ce que son imagination aurait pu inventer. Sa peau qui brûlait, qui se consumait, chair, os, sa main dans le magma qui devenait lave, la lave qui grignotait son bras, son épaule, son torse, tout le reste de son corps, jusqu’à ce qu’il ne soit plus que magma lui-même, et non plus un tas de muscles et d’os dans un sac de peau. Et puis un cri, un autre, beaucoup plus aigu, terrifié, enfantin. Incongru.

Knox se redressa soudain, les yeux grands ouverts, sorti de son rêve, de cette vision dans laquelle Gaïa l’avait plongé. Il était étrangement à bout de souffle, fébrile, il aurait été en sueur si cela lui était possible. Ses yeux, qui auraient dû normalement percevoir l’obscurité nocturne de sa chambre, tentait de faire comprendre à son cerveau encore brumeux que c’était la lumière vive d’un brasier qui l’entourait de toutes parts. Comme si les flammes se propageaient hors de lui-même, migraient sur sa couche, terrorisaient une petite fille…

« MORGAN ! »

Il avait prononcé son nom fort, sous le coup de la surprise, et de l’inquiétude. Cette môme, il la connaissait très bien, mais ne lui avait jamais vraiment parlé, ça n’était qu’une gamine. Merde. Il s’était embrasé en dormant, erreur terrible, cela faisait des années pourtant qu’il maîtrisait son pouvoir pendant son sommeil, même le plus torride des rêves ne le faisait habituellement pas flamber. Les flammes dévoraient déjà le matelas du très jeune homme, menaçaient le tapis au sol, léchaient les montants du lit. La sensation de chaleur devait déjà faire étouffer la petite clandestine, Knox ne pouvait pas attendre plus pour faire quelquechose, et quelquechose d’intelligent si possible.

Ses deux mains à plat sur le matelas en feu, il se mit à absorber la chaleur dans son propre corps, c’était un processus plus lent que si on avait simplement balancé un seau d’eau dessus, mais présentement, l’Eau n’était pas dans les parages. Et puis ça n’était tout de même pas si lent que ça, surtout qu’il y mettait du cœur. C’était juste exténuant pour le Pilier, car il était bien plus dur pour lui d’engloutir les flammes au lieu de les créer. Encore heureux, Knox s’était réveillé à temps, alerté par le cri inconscient de la petite fille, et le lit embrasé s’éteignit rapidement. BROM ! L’armature fragilisée par les flammes céda sous le poids des restes fumants et des deux bipèdes encore dessus. Epic Fail… D’un petit coup d’œil à Morgan, il vérifia qu’elle était bien encore vivante, entière, sauve, et pas trop ébranlée par toutes ces péripéties. Oui, ouf.

« Bordel…. »

Ah zut, il ne fallait pas jurer en présence d’un enfant… Et ben tant pis, voilà. Knox était essoufflé, passablement énervé, et SLF, sans lit fixe désormais. Sa chambre entière avait pris un coup de chaud, et comble du comble, une chouette voletait au-dessus de lui, apparemment pleine de remontrances à son égard. Mais mais qu’est ce qu’il s’était passé ?? Ah non, le comble du comble, en fait, c’était autre chose, parceque les flammes avaient calciné ses vêtements aussi. Mains sur son entrejambe, il se leva vite pour enrouler une serviette pleine de cendres autour de ses hanches. Un peu plus présentable, il fronçait les sourcils en jetant sur la petite fille un regard pas content du tout.

« Qu’est-ce que tu fiches dans ma chambre toi ?!? »

Et qui allait être pris pour responsable des dégâts ? Lui ! Déjà qu’il avait eu une altercation pendant la journée avec la Cheftaine, il aurait préféré éviter un deuxième conflit, surtout que cette fois ci, il n’y était pour rien, il en était sûr ! Un index accusateur pointé sur Morgan, son autre main tenant la serviette, il attendait une explication, ou des excuses, ou une bonne raison, ou tout à la fois, si elle ne voulait pas qu’il se fâche tout rouge. Enfin, façon de parler, il avait assez carbonisé de trucs pour la soirée.

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Les flammes de l'Innocence Empty Re: Les flammes de l'Innocence

Message par Morgan Mer 22 Oct - 12:45

Elle crie. De surprise, de douleur, soudain prise au piège dans un étau de flammes. Il crie. Son nom. Si fort. Autour, ses yeux flous distinguent des couleurs rougeoyantes, qui grimpent autour de Morgan, comme des barreaux scintillants. L’enfant ne connait des flammes que l’âtre réconfortant, ces fleurs de feu qui s’ouvrent autour d’elle lui sont étrangères. Et leurs pétales, leurs pétales crépitantes la font gémir. Elle tremble, les ronces mordent sa peau, les flammes dévorent sa chair tendre.  L’enfant regrette les eaux froides du lac. Il fait soudain si chaud. Ses yeux pleurent, si vite, alors que la fumée assèche ses rétines. En état de choc, Morgan reste un instant sans force. Autour d’elle le feu glisse sur la couverture, vient lécher sa robe de nuit, lèche ses mains, sur lequel elle se tient en équilibre, et le long de ses jambes, encore étendues dans l’écrin de douceur. La douleur est sauvage, violente, et tendre à la fois. Une chaleur douce, qui pique. Une sensation pénétrante qu’une couverture brulante se dépose sur elle, autour d’elle et l’enferme dans un étau de chaleur. Mais cela ne dure qu’une seconde, courte et intense, qui lui semble si longue. Un seconde de profonde angoisse. Il a crié son nom. Si fort. Alors, elle lui donne sa confiance, elle croit, tellement fort en lui. Ce qu’il fait, il va réussir.  Il doit réussir, elle ne veut pas mourir, pas là, pas comme ça. Son instinct lui hurle de fuir, sa terreur la paralyse, alors elle reste, près de lui, sans oser le toucher.

L’homme, il semble possédé sous ses yeux. Il fait comme si rien n’était alors que les lianes brulantes lèchent sa peau. Il reste sur le matelas. Ce sera de sa faute, de sa faute à elle, s’il meure là. Car elle le sait, elle le sent, elle n’aurait pas dû venir, pas comme ça, pas en douce. Son père lui a dit, tant de fois, qu’elle provoque des catastrophes. Que derrière elle, les bêtes se rebellent, que les plantes se font venimeuses et que les pouvoirs se retournent contre leurs maitres. Qu’il faut qu’elle se fasse toute petite et qu’elle fasse attention, qu’elle se contrôle et se retienne. Mais Morgan ne sait pas faire, se retenir. La nature ne se contrôle pas, et à son oreille elle murmure insolence et provocation. La nature veut grandir, comme le feu qu’il retient entre ses bras. Les flammes veulent embraser le ciel et couvrir les étoiles de cendres lumineuses. La nature veut s’étendre et s’étendre encore, en brulant tous son passage. Et parfois, cela lui fait peur. Gaia lui fait peur.

Quand l’armature se disloque, sa confiance part en fumée. Morgan se jette en arrière, de toute la force de ses bras jeunes, et tombe par terre. Des nuances de feu, sauvages et indomptables, se sont glissées dans sa chevelure broussailleuse, sur sa robe de nuit pale. Alors la petite fille roule et roule à terre, jusqu’à ce qu’elles s’éteignent, jusqu’à ce qu’elles disparaissent. Jusqu’à ce que ces crins noirs ne soient plus que ténèbres et brulures. Et que sa robe, sa robe blanche, brulée par endroit, des taches noires, des surfaces grises, presque dures, et des béances de cendres, cesse de fumer. Et alors qu’elle roule à terre, comme une petite fille possédée par un diable sauvage, elle s’angoisse à croire que cela ne cessera pas. Que le feu restera sur elle, toujours, qu’elle ne pourra échapper à la chaleur. Que le feu s’est logé en elle et qu’il ne cessera de la hanter. Et que même s’il l’aime, il la tuera.

Les restes des flammes, fines flammèches, glissent et se meurent, Morgan s’échappe. Dans un angle de la pièce, encore fumante, le corps agité de contractures alors que des sanglots tressautent dans sa gorge, elle pleure. Lui aussi, il lui fait peur. Alors pour ne plus voir, Morgan rassemble ses jambes entre ses bras et cache son visage derrière ses genoux. Ses cheveux noirs, de broussaille et de crins brulés, aux odeurs macabres mais a la douceur réconfortante, enrobent son visage humide d’avoir tant pleuré et enferme son souffle dans un court écrin. Là, c’est mieux. Elle respire plus lentement. L’air est moins douloureux et s’il manque, un peu, il n’est pas si plein de fumée et de chaleur. Elle peut respirer, enfin, reprendre son souffle. Ses sanglots  se dissipent lentement, elle se détend alors que la chaleur sur sa peau se fait moins intense. Ce qu’il a fait, le garçon, cela semble marcher. Lentement elle relève son visage de dernier ses genoux, le regarde. La nudité n’a jamais gêné que les enfants des hommes.  Elle, elle ne ressent pas cette pudeur. Elle, elle se sent plus fille des arbres que des hommes.

Quand il l’agresse de sa voix et de son doigt, plein d’accusation, les yeux de Morgan noircissent. Prise au piège, dans la pièce encore pleine de fumée, la bête sauvage feule, au-dessus de ses genoux de petite fille. Et alors que Morgan feule comme une chatte qu’on attaque, la chouette hurle et se lance, les serres en avant sur le visage de l’adolescent. Les ailes battent, l’oiseau vient sur son visage, cherche ses yeux. La petite fille se lève, le plus vite possible et sans attendre, elle part en courant vers la porte si près. Morgan va disparaitre si vite qu’il n’aura pas le temps de la rattraper.  Et puis, c’est un garçon stupide, il n’osera pas la suivre tout nu, en courant, dehors, alors que son père doit être en train de la chercher. Sa main se pose sur la clenche de la porte, Morgan est si près de sa liberté chérie. Encore quelque pas, juste. Il faudrait juste qu’elle ouvre. Que ses doigts fins fassent tourner le métal jusqu’ouvrir la porte. Il faudrait. Mais sa bouche crie, une nouvelle fois. Elle retire si vite sa main de la clenche brulante. Sa main la moins abimée vient autour de celle qui la brule, puis se dépose tout contre sa poitrine étroite. Le cri est mort entre ses lèvres, son visage perd un instant toutes ses couleurs.  Les nouvelles cloques, plus profondes, se mêlent aux anciennes. Sa peau brulée l’a meurtrie, elle manque de défaillir. Morgan a besoin d’eau. Morgan ne peut plus fuir, si vite. Elle se sent soudain vide de toute énergie. Derrière la chouette cesse d’attaquer le garçon et la rejoint. Ses ailes caressent son visage, ses serres font saigner la peau de ses épaules. L’oiseau s’installe sur elle et hulule, tout doucement, comme si la douceur de son chant pouvait adoucir les blessures de l’enfant. Les lèvres de Morgan s’entrouvrent,  elle mendie, du bout des lèvres, sans oser de retourner.

-Dis. Tu peux ouvrir.

Sa voix boudeuse demande, elle n’a pas l’habitude. Puis, écoutant le murmure de la chouette a son épaule, elle murmure.

-Gaia, elle dit que tu sais faire des trucs, avec tes mains.

Morgan a tellement mal qu’elle se rend. Lentement elle fait volteface et s’approche de lui, les yeux plein de sentiments, de douleurs alors que pas la moindre pointe de culpabilité n’éclaircie son regard.

-Que tu peux réparer les miennes.

Les bras se déplient. Les épaules se délassent. Les ailes de l’oiseau battent pour maintenir le frêle équilibre. L’épaule de Morgan est si petite, l’enfant est si frêle. L’oiseau manque de tomber à chacun de ses gestes. Les mains s’ouvrent sur des plaies brulantes, des cloques qui gonflent et dévore la peau blanche de la petite fille.

-Dis. C’est vrai ou ce n’est pas vrai ?

Qu’importe s’il la gronde, elle veut juste que la douleur cesse. Elle s’excusera. Peut-être. Après.

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