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Charme - Jardin d'Hiver Empty Charme - Jardin d'Hiver

Message par Charme Mar 13 Jan - 14:50




Charme



"C'est un petit monde à l'écart du monde, et le temps y passe si lentement que nombreux sont les gens qui se soucient de porter une montre."




Nom : Charme
Avatar :  Ryan Gosling
Age : 36 ans
Groupe : Crystal
Fidélité  : Ambigüe ; son âme est vouée à l'art, son coeur à ses desseins.
Rang : Jardin de Pierres

Art : Sculpture.
L'art n'est pas ce que l'on voit, mais ce qui est imaginé. La puissance d'une mélopée ne demeure pas dans le tissage mathématique des notes mais car elle nous emporte ; la force d'un poème ne vient pas des mots employés mais de la promenade déployée par les hémistiches et les rimes ; un tableau n'est pas beau grâce à l'huile de la peinture mais par le reflet des pigments sur le paysage imaginé. Pour la sculpture il en est de même. En regardant les œuvres de Charme, vous pouvez voir par leurs yeux, par leurs vies inanimés, une myriade d'odes, d'infinis voyages. Car Charme ne sculpte pas que l'extérieur, une fois la silhouette terminée ses mains pénètrent la forme et y taillent, y greffent, la source de son art.
En somme, ses mains peuvent franchir la matière et déjouer la frontière du matériel pour prendre, enlever, déformer et tailler ce qui est au-delà du solide.

Signes distinctifs : Tatouages, cheveux, regard, dites un petit mot sur votre personnage.


Portrait en Quelques lignes



Caractère :


Tailler. Tel est le mot qui peut décrire Charme. Le mot, le verbe. L'action de, l'action subie, endurée. Le crédo, aussi.
Tailler, tailler dans la roche, avec des doigts ou de l'acier, façonner le plus dur avec le plus mou, ne pas avoir peur de détruire mais ne pas avoir le droit à l'erreur. Créer quelque chose, toujours, de fort et durable ; nul pot, nul vase, nulle argile, tailler des corps, tailler son corps. Charme doit être à l'instar de ses statues une fleur dans un jardin, un être parmi d'autres, une force parmi d'autre.
Rien de spécial, rien d'anormal mais néanmoins au-dessus. Au dessus du fade dessin, de l'image saisie, il n'est pas qu'un instant mais un être, ne pas être un paysage mais une personne. Au delà de la gestuelle, l'immobilise lui sied mieux, la danse est belle mais symbolique, il n'est cygne, il n'est métamorphose, seulement cocon de pierre, chrysalide de roche. Muet aussi, contrairement au chant, peu de mélopée, peu de mots, un ton froid, un ton rare. Staccato dentale, austère solo. Et l'écriture, quelle belle fable ! Il ne ponctue que dans la comédie, ses mots sincères n'existent, il ne parle pas, ne pense pas, une statue ne s'écrie pas et même les scribes figés ont la plume levée.
Mais le théâtre si, le théâtre est la sculpte d'une vie. Des pantins de bois, des masques de cire et de plumes. Charme ment. Son existence est un mensonge, un secret et le Crystal sa scène.

Tailler. Tailler une vie, un personnage. Tailler un costume qui lui sied pour s'échapper à ses démons du passé et offrir des jouets à ceux du présent. Mieux que quiconque, Charme sait ce qu'il est, qui il est : un monstre. Souriant, aimable, courtois, le genre idéal. Mystérieux pour certains, inquiétant pour d'autres, ne pouvant de faire de mal à une mouche pour la plupart ; Charme est et demeure un être errant dans un jardin d'hiver, un sculpteur passionné et méticuleux, un artiste habile et créateur, enivrant. Un maître de la cérémonie et du spectacle malgré ses quelques mots et son austérité. Charismatique, élégant, on l'apprécie aisément.
Il taille très bien ses mots, parfait improvisateur, il les fait bien sonner en parfait chanteur, il se tient bien, danseur mondain et porte à merveille son masque.
Et personne n'oserait lui demander pourquoi il se trouve au Crystal, si ce n'est pour l'art. N'est-ce pas ?
Car la sculpteur lui correspond si bien qu'on ne pourrait l'imaginer ailleurs.


Physique :


Statue froide, viande figée, Charme ne porte de son nom que ses talents, à première vue.
De loin, il n'existe pas ; morceau de cire dans la foule, silhouette sans âme, pantin à peine animé, il ne dégage rien. Derrière ses lunettes noires, derrière ses lippes closes, cloîtré dans son silence, voilé dans sa lenteur, Charme s'efface, Charme se gomme.
Il aime passé inaperçu, il aime être comme quelqu'un d'autre, quelqu'un de lambda.

Dans son port altier, sa tête droite et ses épaules pointées vers les cieux, on entrevoit autre chose qu'un être lambda, mais quoi ? Il pourrait autant être un fils de bonne famille qu'un bourgeois fier de son évolution. Il n'est ni l'un, ni l'autre, simplement vulgaire déchet du Crystal. Et si on s'approche, on remarque que rien est négligé, tout est savamment calculé. Du rythme de ses pas, de sa respiration, aux couleurs de ses vêtements. Etrange habitude pour un aveugle, n'est-ce pas ? Seules laissées à l'abandon sont ses mains, faussement non entretenues on aperçoit les cicatrices de son labeur, l'usure de son derme. Sous ses ongles coupés droits et courts se loge toujours de la poussière blanche, des esquilles de fer, de la poussière de marbre. Ses doigts sont si lisse, si rongés par l'argile et le marbre que l'on peut imaginer l’absence d'empruntes digitales. Le sculpteur devenue statue impersonnelle sait pourtant que cela est faux, malgré les brûlures, malgré l'érosion elles reviennent toujours. Et sur le dos de sa main gauche, une cicatrice, une vilaine cicatrice ; bien droite, un coup de couteau, une plaie trempée dans le vinaigre, un dérapage sur une viande bien trop coriace. L'intérieur de ses mains, sa paume, est quant à elle étrangement paradoxale. Calleuse et douce. Rugueuse de part les manches des ciseaux, marteaux et couteaux, polie par la poussière et la farine. Un toucher délicat et dérangeant pour quelqu'un qui voit par ses doigts.

Le reste de son corps n'a pas ce paradoxe, cette dualité, il est à l'instar de ce qu'il créé, ce qu'il adule. Un corps de statue, certes froid mais néanmoins dur. De pierre. Comme s'il était fait d'os mais non pas par maigreur, simplement par force. Grâce à la terre, qui nous porte, grâce à ce que l'on mange, qui nous façonne, et ce que l'on fait, qui nous forme. Il aimerait se forger mais l'art de l'acier lui échappe pour l'instant ; Ô Charme aimerait apprendre à créer des arabesques de fer, des lustres d'acier et arriver à courber gracieusement le métal, cependant son talent ne va jusque là. L'or n'a d'âme, l'étain non plus ; seule la pierre.

Son visage est comme celui d'une statue, figé dans une unique expression. Charme n'est pas inexpressif ; s'il manque d'empathie il peut mimer les sentiments, les émotions, de manière monochrome cependant. Une à la fois, sauf quand elles sont naturelles (et rares) bien sûr. Bon comédien du théâtre de la vie, Charme a toujours su, dans son silence isolé, s'adapter à son entourage et se lier d'amitié à sens unique. Il sait quels masques peindre sur son visage, quels mots sculpter entre ses cordes vocales, quels gestes façonner de ses mains, pour être le parfait hôte d'une discussion ou le meilleur convive d'une soirée. Son visage peut ainsi se tordre de mille façons comme ceux des clowns longuement entraînés à passer du rire aux larmes.
Et une chose intrigue toujours ses interlocuteurs : pourquoi regarde-t-il, fixe-t-il, alors que ses yeux, le dit-il, sont morts ? Charme n'est pas atteint de cécité, son aveuglement est une maladie récente, presque unique, et il ne s'agit d'un syndrome oculaire mais cérébrale. Ses sens sont légèrement plus aiguisés que la normale, de manière cependant imperceptible ; il faudrait, pour atteindre ses capacités à son paroxysme, suivre et subir un entrainement militaire intensif, chose qu'il se refuse. Cependant, comme quatre de ses sens ont un champ plus large, celui du cinquième -la vue- est restreint. Enfant, Charme voyait aussi bien que vous et moi (et encore, ses yeux étaient jeunes, alors peut-être voyait-il mieux que nous), mais rapidement sa vision se ternit, les couleurs s’effacèrent, puis le images se figèrent dans son esprit. Il voyait une image, puis une autre, et encore une autre, et non un long panorama fluide. Finalement vint l'obscurité totale. Heureusement pour lui, lors d'un grand afflux sanguin, d'une énergie vive, d'un déversement d'adrénaline, la partie cérébrale atrophiée est suffisamment stimulée pour que son sens fonctionne correctement. C'est grâce à cela que ses yeux peuvent voir, parfois en noir et blanc, parfois en couleur, parfois de manière saccadée, parfois de manière fluide. La concentration peut lui offrir une légère vision, l'excitation et l'intensité des émotions une meilleure. Et c'est pourquoi l'aveugle vous regarde de ses yeux bleu vides.


Son histoire








La pluie s'abattait sur le Crystal, sur ses toits et ses gouttières. Les gouttes sonnaient dans les corridors, vrombissaient dans les halls. Les voix couvraient la pluie, elles formaient un nuage, un brouillard de son. Le calme, pourtant si présent au Crystal, aujourd'hui s'ourlait de vacarme de velours. Le visiteur néophyte ne s'y attendait guère alors il s'exila, il s'échappa de cette sourdine et bien vite trouva le fameux silence ; à peine quelques mètres plus loin commença le silencieux dédale aux dalles blanches.
Il erra, ne sachant que chercher. C'était sa quête, se chercher, se trouver au Crystal. Il marcha, suivant le rythme des dalles, de moins en moins propres, parfois un peu fêlées ; il tomba, à l'autre bout du Palace, sur une porte en fer forgée. Hérissée de piques, drapée d'arabesques s'élançant en épis, naissant en fleurs, il ne pouvait voir malgré l'air passant entre cet épais tissage de fer que de l'obscurité. Qu'avait-il de l'autre côté ? Il s'empara du pommeau et le tourna, tira la porte. Les charnières rouillées grincèrent en une étrange mélodie, en notes disparates qui nonobstant formèrent des accords improvisés dignes des plus grands jazzman. Lorsqu'il l'a referma derrière lui, le blues se termina en un claquement sourd et un étrange trac lourd empli son coeur. Il avança de quelque pas en entendant la pluie tomber, de nouveau, mais de manière plus douce, enchanteresse.

La lumière vint soudain et un écriteau de pierre s'offrit à lui :

"Bienvenue au Jardin d'Hiver du Crystal Palace.
Beaucoup y sont entrées, peu en sont sortis indemnes.
Bonne promenade."

Derrière lui, la porte semblait si lointaine, innaccessible. A seulement quelques mètres.
Le claudiquement d'une canne, l'écho des semelles solides, indiquèrent au visiteur que quelqu'un s'approchait.

"La pluie semble repousser les visiteurs mais vous êtes tout de même ici. Souhaitez-vous une visite ?"

L'homme était grand et fort, dégageant une assurance, une volonté de fer et une étrange puissance. Comme s'il pouvait vous broyer d'une seule main mais ses grandes lunettes à double foyer, ses verres grossissant, adoussicait le personnage, le rendait humain. Dans cet étrange tableau du Crystal aux artistes fous et obnubilés par leurs arts, le visiteur aima aussitôt ce bonhomme là, très humain.

"Ce serait avec plaisir.
- Alors, je vous suis."

Dès l'entrée, deux chemins s'offraient aux visiteurs, deux chemins aux mêmes dalles du Crystal mais rapiécées, formant une mosaïque du retour à la nature, à Gaïa. Il n'y avait que peu de plantes, dans ce jardin, des grands arbres et des fougères, de la mousse. Surtout des pierres, des statues éparses, parfois des fontaines. Malgré la pluie, on entendait le bruissement quelque part de l'eau coulant.

"Est-ce une boucle, par où mieux vaut-il commencer ?
- C'est une chemin, une promenade ; il faut se perdre."

Alors l'homme se dirigea vers la gauche, le côté du coeur et, au bout de quelques mètres, pu voir inscrit sur le sol le mot SENESTRA. Dans quoi s'enfonçait-il ?

"Il faut voyager, trouver l'écho dans les arbres, trouver les rimes dans les couleurs. Tout est rythmé, clame calmement le guide,  vous êtes dans une prose. Il ne faut pas s'arrêter à la vision, imaginer les virages comme une ponctuation, les statues comme une respiration."

Attiré par une ombre certaine, il bifurqua bien vite et tomba face à un gigantesque arbre, si grand qu'il défiait les cieux, si imposant et feuillu qu'il était impossible de penser qu'on se trouvait là dans une serre, un vulgaire jardin artificiel. A ses pieds pourtant ne gisaient que des pierres, parfois couvertes de mousses, parfois nues. Le sol n'avait guère de terre, essentiellement un pavage fissuré, craquelé de toute part suite aux secousses des racines grandissantes.

"C'est un coeur, lâcha le guide, mon coeur. Mon premier arbre planté ici. Les veines caves, les racines, ont fait pousser si haut l'arbre, si férocement, et se sont si bien implantées ici, farouchement enracinées, que j'imagine rien ne pouvoir le déraciner, me déloger.
- Il n'y a aucune vie autour de l'arbre ?
- Il n'y a que très peu de vie ici, pour l'instant il n'y a que vous et moi."

Il continua sa visite, vagabonda ça et là, entre les fleurs et les arbrisseaux, dans les méandres tortueux. Il se perdit, revint sur ses pas, toujours le guide sur ses talons, véritable ombre dans ce labyrinthe ou dangereux minotaure se demanda-t-il. A un banc, il se posa et contempla le paysage. Nulle impression d'être dans une serre, en effet, mais dans une véritable forêt aux quelques arbres. Il pouvait en compter trois, avec toujours ce gigantesque arbre au loin, celui du guide, le coeur. Se trouvaient beaucoup de pierres, de terre morte mais sans être macabre ; les bosquets de verdures, les touffes bucoliques s'égrainaient comme des tableaux dans un grand musée, parfaitement encadrées, savament rythmées et agencées.

"Le ... Votre coeur a quel âge ?"

Il ne savait pourquoi, par quelle étrange phénomène, il n'avait réussi à demander l'âge de l'arbre. Pourquoi il avait utiliser ces mots, cette nomenclature particulière.

"Le mien ? Plus de trente ans. L'arbre lui est centenaire, j'ose espérer ne pas atteindre son âge canonique, je ne supporterai ne plus porter mon corps. Mais il est arrivé ici il y a une dizaine d'années seulement. Ai-je répondu à votre question ?
- Parfaitement."

Il se releva. Le guide l'interrompit.

"Ecoutez."

Derrière ses grosses lunettes, il ferma les yeux et huma l'air, bloqua sa respiration. Le visiteur fit de même, et n'entendit rien de particulier. Montrant un air sceptique, le guide l'incita à réiterer l'expérience. Dès lors, au bout de son souffle, il sentit ses tempes vrombir contre son crâne, tirant ses oreilles vers ses orbites. Il entendit ses poumons gorgés d'air hurlant à l'expiration, son diaphrgame trembler. Son coeur, qu'il imagina alors comme un énorme noeud de racine, palpita paniqué comme s'il se trouvait emmêlé, noyé dans des cordes ou un nid de serpents constricteurs. Tout son corps s'éveilla et se relâcha aussitôt qu'il souffla.

"Il ne pleut plus."

Et oui, il remarqua alors le silence sur les toits, le silence total de ce Jardin d'Hiver.

"Venez, nous ne sommes pas très loin de ma première."

Interloqué, le visiteur suivi le guide qui, pour la première fois de l'après-midi, l'invita à le suivre. Ils marchèrent quelques mètres, croisèrent un parterre de jonquille et de pensées jaunes avant de tomber sur une statue.
Une jeune femme, à moitié nue, le sourire amer et la joie de vivre éteinte sur son visage mimant pourtant une euphorie feinte. On voyait un mouvement, on ressentait l'impression qu'elle se dénudait pour vous, pour lui, le visiteur. Et elle le regardait droit dans les yeux dans sa position voûtée, de faible femme, prête à se reculer, à s'acculer contre un mur et se laisser faire. Inlassablement.

"Regardez-la dans les yeux."

Il s'approcha d'elle, marcha sur la terre meuble (il y avait donc là de la terre, et non sous les fleurs et les arbres ?), et plongea son regard dans celui de la femme figée dans la pierre grise. Il remarqua alors que ses yeux étaient de verre, transparent, et il pu comme entrapercevoir des formes au delà des lentilles. Fasciné, il posa sa main sur l'épaule nue de la femme -la froideur du contact le fit frissonner, à moins que ce soit la femme qui frissonna ?- et plongea ses iris dans les orbites de l'oeuvre. La tête s'avérait creuse, des formes étaient sculptées à l'intérieur, elles descendaient en cascade dans le cou et ne semblait ne plus en finir. Pour les contempler, il se mit sur la pointe des pieds et mira l'intérieur comme on regarde à travers un trou de serrures.
Ce n'étaient que des arabesques, des volutes taillées au ciseau, un art abstrait mais ô combien triste et hypnotique.  Les courbes attiraient le regard vers le bas, vers le buste de la femme, l'intérieur de son ventre mais des yeux on ne pouvait que voir les gravures intérieures de la tête et du cou. Il lui semblait que toute sa peau de pierre avaient ces moresques, de la tête au pied, tourbillonnant à un point particulier. Son âme semblait happée par ce vortex de frises sombres.

Il sursauta quand la main du guide se posa sur son épaule. Des larmes coulaient de ses yeux et, aussitôt, il se retourna et se blottit dans les bras de son guide.

"Elle était enceinte, sanglota-t-il."

Les mains du guide le réconfortèrent et bien vite il se ressaisit.

"Quelle est son histoire, selon vous ?
- J'imagine que c'est une prostituée, lasse et fatiguée. Elle est enceinte, elle l'a appris, d'un de ses clients. Un bâtard illégitime, une bouche de trop à nourrir, mais pourtant elle l'aime.
- Une tragique histoire.
- C'est votre mère ?"

Il eut un éclat de rire bref.

"Si seulement. Aujourd'hui, reprit-il après une courte pause, l'enfant, le votre, car chacun a sa propre histoire, aurait sept ans. Ai-je sept ans ?"


"Sept ans, et il s'agit là de votre première. Vous ne viviez pas au Crystal auparavant ?
- Vous voilà perspicace. En effet, je suis arrivé avant la statue et j'ai commencé par assouvir mon besoin frénétique de sculpter en créant de multiples petites idoles de la taille d'une main. C'était il y a moins de dix ans, je devais pour commencer laisser ma passion m'envahir."

D'un geste, le guide invita le visiteur à avancer, mettant fin à cette conversation sur son histoire.
Il marcha longtemps, flânant entre les fleurs, humant les parfums, appréciant de loin les statues éparses, les monticules de pierre. Au rythme de ses pas, ses pensées s'évadèrent ; poésie lyrique dans son cortex quand il appréciait corolles et étamines, pragmatisme sourd aux abords des constructions de pierre, romance face aux points d'eau placides. Lorsqu'il se perdait dans son imaginaire toujours un point du paysage le ramenait à une autre réalité, à un autre tourbillon philosophique intérieur. Tout était rythmé ici, oui. Tout n'était qu'une prose dans l'assemblement du Jardin, des rappels symboliques qu'il percevait parfois, une mélopée doucereuse dans sa tête. Parfois il y avait de grands arbres sur lesquels se poser, parfois se trouvaient des statues du guide qu'il apprit à craindre autant qu'à adorer car toujours dans le regard des statues on apercevait la vie.
Dans la promenade du Crystal, le visiteur put y voir la vie, la plénitude du calme, l'art dans le silence et le brut ordonné de la nature, dans le dressage de ce que la terre nous donne. A coup de ciseaux, de ciseau, par le choix des graines plantées, par la chaleur artificielle de la serre cet endroit droguait l'esprit, l'enivrait de fragrances fleuries et euphoriques. Tout était faux dans ces vies poussées à embellir.

"Chaque pierre ici est comme un coup de pinceau d'un tableau. Je vous félicite, c'est magnifique et, en effet, l'avertissement à l'entrée est véridique : je ne serai plus pareil.
- Fermez les yeux alors, et écoutez. Comme tout à l'heure, cherchez."

Il s'exécuta. Comme tout à l'heure, il n'entendit que son coeur, son corps. Il sentit la symétrie de son être, comme la symétrie du jardin, il s'imagina alors là, sur le pavé, comme s'il était sur une des veines du Jardin.

"Nous sommes dans un être vivant !
- Qu'entendez-vous ?
- Son coeur battre, lâcha-t-il après un autre instant de méditation."

Le guide sourit.

"A part les quelques arbres ici, rien ne vit. Nul insecte, nulle herbe, même la mousse est artificielle. Tout est mathématiquement calculé, car l'art est mathématique. Pas de sauvagerie de la Nature, vous êtes dans un fossile.
- Mais ?
- Et vous vous sentez vivant, excessivement vivant, n'est-ce pas ?
- Et par quel miracle, clama-t-il mi offusqué, mi blessé. Les fleurs... Leurs odeurs.
- En automne, peu de fleurs fleurissent et les arbres perdent leurs feuilles, là non. La magie du Crystal et les techniques d'autres sculpteurs. L'illusion de la réalité. Venez."

Le guide pressa le pas, se faufila entre les chemins pour enfin arriver à une porte dérobée, à peine visible, fermée à clef. Il l'ouvrit.
Ils arrivèrent dans un établi où gisaient fleurs, peintures, sculptures, quelques pots d'argiles, à semis, et d'autres flasques de verres aux philtres colorés.

"Tout ce qui est murs floraux, parterres, chaque brin d'herbe, chaque feuille d'arbre voir certains arbres et tout les arbustes, chaque millimètre du Jardin d'Hiver sort de cet atelier. Les fleurs poussent, puis on les tue. On les sèche, on les vide de la sève et on les gonfle de conservateur puis de colorant et pour toujours la rose sera rose. Notre muse jardinière s'occupe de cela, orchestre les tisserands qui nous aide, ordonne aux pierres de se dresser ; elle calcule les rimes du jardin, elle compte le rythme, géométrise le chaos faussement naturel, c'est son art.
- Tout cela est faux ?
- Rien de cela n'est vrai. Le Jardin est le plus beaux des cimetières, de la mort naissent les plus belles pensées, éclosent les plus belles oeuvres.
- Comment peut-on se faire leurrer si bien ?
- Le talent du Crystal, ou sa magie. Attendez."

Charme ouvrit un placard et en sortit une violette cristallisée.

"Goûtez."

Il s'exécuta.

"C'est bon ?
- Ca sent la violette, un véritable bonbon.
- Il n'y a aucune fleur là dedans. Simplement du papier hostie teint, beaucoup de sucre et un homme désireux de savourer le plus délicieux des mets. La transsubstantiation culinaire, du faux créer le vrai, mon ancien métier.
- Vous étiez cuisinier ?
- Pour vulgariser, oui... Et scientifique aussi ; mais déjà je préférais sculpter les fruits, agencer finement les plats plutôt que les préparer alors dès que j'ai pu je suis venu ici."

Peu après, le visiteur s'en alla. La tête ailleurs, l'esprit torturé, l'idée que rien n'était vrai. L'air respiré, la nourriture ingurgitée, ce qu'il voyait. Le pantomime de la politique appliqué au quotidien. Trop de questions : existait-il ou croyait-il exister ? Autour de lui, ses frères et soeurs, ses amants, ses voisins, existaient-ils aussi ou n'étaient-ils que des pantins, des coquilles vides. Tout n'était que trompe-l'oeil mais quelques personnes étaient comme la statue, vivante à l'extérieur comme à l'intérieur et non une simple façade, du moins l'espérait-il.
Arrivé chez lui, la porte baillait légèrement, entrouverte. Il se demanda si, juste avant de partir, il n'avait pas oublié de la fermer mais, si, bien évidemment, il fermait toujours sa porte. De la lumière émanait du jour et de l'ouverture de la porte, quelqu'un était à l'intérieur, encore. Il se braqua, sur ses gardes.

Le guide du Jardin d'Hiver, Charme, se trouvait à l'intérieur.

"Que faites vous ici ?
- Vous m'avez invité.
- Je ne vous ai pas donné mon adresse.
- Pas de manière directe, mais si."


Charme s'avança vers lui, lentement, se mit derrière lui, doucement, et à tâton lui ôta son manteau. L'artiste lui offrit ensuite une douce étreinte, toujours derrière lui, une main sur le coeur et l'autre sur le ventre, le menton sur l'épaule. Il le caressa, chercha sa peau à travers le tissu, sentit la force de ses os, la puissance de ses muscles, la rage de son coeur.

"Je suis aveugle, ne te l'ai-je pas dit ? Et j'ai senti quand je t'ai toucher ton coeur s'accélérer, ton souffle s'intensifier. Tu n'es pas venu au Crystal pour te remplir de pensée, simplement pour t'apaiser, te vider. "

Il le retourna brusquement et, dans ce face à face étrange, pour prouver qu'il avait raison, Charme saisit son entrejambe alourdit sous son jean. Il eut un ricanement.

"Tous les mêmes."

Ses doigts glissèrent le long de l'ossature de sa mâchoire. Chatouillant sa barbe naissante. Caressa sa jugulaire du dos de ses phalanges. Posa la main sur son coeur. Sa peau chaude.
Et là.
Ses doigts s'enroulèrent autour de lui. Lui, son coeur. Enfoncée dans le corps, à travers le derme et les côtes, à travers l'organique et l'inerte.
Il eut un hoquet de stupeur. Si tu bouges, j'arrache ton coeur, calme toi.
Boum boum, il sentait ces doigts, ces maudits doigts, autour de son organe. Compressant. Tu ne t'es pas demandé comment je sculptais l'intérieur ? Violence. N'ai pas peur, tu risques de mourir d'un infarctus sinon. La peur empoisonnait ses pensées, la panique brouillait sa vision. Tu avais raison pour la statue, elle était enceinte. Les mots parvenaient ça et là, un sur deux. Tu as dû ressentir le foetus dans son ventre. Il y est. Statue de sang. Des larmes coulèrent de ses yeux. Je te vois enfin, parfaitement. L'excitation me fait voir, et tu m'excites. De quoi parlait-il ? Ne t'en fais pas, personne ne saura que c'est moi.
Boum boum, il allait mourir, son pouls grimpa en flèche. Chut, ne panique pas ou tu souffriras, par ta faute. Il tenta de se déplacer mais il sentit que s'il bougeait, son coeur lui resterait sur place, dans la paume de Charme. Tu vas le manger, tu étais cuisinier c'est ça. Des rires dans la pièce, des soubresauts autour de son palpitant. Tout naît de la mort. Toi, de millions de spermatozoïdes, et le Jardin, rien y vit. Les pierres aussi naissent de la mort. Pour l'illusion de la vie, on doit y inclure l'opposé. Tu vas mettre mon coeur dans la statue ? Il hocha la tête et ses doigts se serrèrent, serrèrent.

Puis ils se desserrèrent.
Le coeur se mit à battre dans la statue, métaphoriquement. Charme se lava les mains, ôta le sang, le rouge de sa vision ; tout redevint noir et blanc. Une porte s'ouvrit.

"Je savais que je te trouverais là.
- Tu arrives en avance, comme toujours."

L'homme s'approcha de Charme, de très près. Le sculpteur huma le souffle du nouveau visiteur, il put voir ses lèvres un peu gercées, sa barbe de trois jours un peu poussiéreuse, des rides inquiètes sur les tempes, à peine de légers sillons. Il caressa les tranchées de son visage et fronça les sourcils.

"Tu es nerveux."

Cela semblait presque impossible mais le jeune homme se rapprocha encore plus de Charme. Leurs chaleurs se mêlaient et l'artiste posa sa main sur le buste bombé et encore couvert d'une veste. Il sourit. S'éloigna. Sortit d'un tiroir une lame et d'un four un plat. Il coupa, sculpta. Et servit.

"Tu t'es encore surpassé, Cephas.
- Merci, frangin."







Le visage derrière le masque



Pseudo : Quelqu'un qui met huit ans pour faire une fiche ? Pandounours le maître Jedi de la brosse ira très bien, faisons dans la simplicité.
Comment avez-vous connu Dark Cloud at Dawn ? Par mes petits oiseaux.
Souhaitez-vous être parrainé ? Bof
Des questions, des suggestions : Pas vraiment.
Un petit mot : Mi


Dernière édition par Charme le Lun 2 Fév - 0:24, édité 2 fois

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Message par Morgan Mer 14 Jan - 18:46

Bonsoir rraouu

C'est une très belle histoire, très bien écrite, pleine de beautés, de frissons, de pureté et de monstres. Ce personnage est magnifique inlove


N'hésites pas à m'envoyer un petit signe quand tu auras finaliser ta fiche coeur

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Message par Charme Lun 2 Fév - 0:22

Merci pour ce petit mots *-*

J'avais un petit problème, il me manquait une petite touche pour finaliser le personnage dans ma tête, un détail qui est arrivé et qui m'a accompli Charme. J'ai rajouté un petit paragraphe à la fin de l'histoire et terminé ma fiche, je crois.

En espérant qu'elle convienne

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Message par Cloud Lun 2 Fév - 8:15

Bonjour toi c

Tu as choisi avec grand soin les mots qui entourent Charme, ce qui lui donne dotant plus de force profonde, et détonne avec son nom si léger, si doux. Le mot tailler notamment est un verbe oh combien évocateur et effrayant, qui offre un portrait glacial, à la faux, de ton personnage si singulier. Et pourtant, il s’agit  également du verbe des sculpteurs et de celui des cuisiniers, puisqu’ils taillent leurs légumes, ce qui lui donne dotant plus de valeurs et de sens.  

J’aime beaucoup ton histoire. Elle ressemble davantage à un conte obscur, une nouvelle, qu’à une biographie. On entre progressivement dans le jardin, on découvre l’univers de Charme un peu à l’aveugle, sans savoir à quoi s’attendre. Pas à pas, on devine les odeurs, le visuel, le monde d’un inconnu sans savoir si Charme est le promeneur ou le promené. On devine la menace, très vite, mais on comprend la curiosité du visiteur, sa fascination. Et, enfin, quand vient la chute, Charme dans son absolu nous inspire quelques frissons.

Charme est très étrange, inhumain par bien des manières. Tu décris dans un premier temps sa perte de personnalité, son élégance minérale, sa perte d’identité. Et finalement, derrière la sculpture d’une existence, cette chrysalide de pierre, on ne découvre qu’à demi-mot un artiste humain, caché derrière ses mensonges, prédateur dans son jardin, violent sous son calme. Un humain attaché sans doute encore à des personnes, la muse jardinière (attention avec ce terme, elle ne peut être muse principale) avec son jardin qui est devenu son territoire, son refuge. Ce frère, qu’on ne sait artiste ou visiteur. Et peut-être cette femme, avec son enfant, bloquée dans le temps, figée à tout jamais.

Charme est très poétique dans sa conception. Tu ne nous dévoiles que des fragments, tout à peine et ce jardin, tout entier, comme s’il faisait corps avec ton personnage. Le jardin est une métaphore de vie, un endroit glauque, perdu, faux, intemporel, gigantesque où règnent des arbres figés, des fleurs stériles, des cœurs qui ne battent que dans le vide, sous les pierres. Son cœur, sans doute, dans un couffin végétal. Dans ce petit recoin du monde, attention cependant à ne pas trop exclure Charme de la dynamique globale du  Crystal. Ce serait dommage.

Tu es validé, je te mets tes couleurs tes couleurs et ton rang! Pour débuter le jeu, n'hésites pas à contacter les joueurs pour des liens ou des rps ! Tu peux également faire une demande de rp ICI.

Bon jeu !!

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Message par Charme Lun 2 Fév - 22:59

Rho, merci pour ces gentils mots qui me touchent particulièrement. J'avais peur de ne pas arriver à rendre Charme monstrueux, ou au contraire à trop en faire. Merci encore et je cours faire ça très vite !

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Message par Ofelia Dim 15 Fév - 18:27

Très belle fiche qui fait froid dans le dos ! coeur

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